Velouté d'Halloween ou comment recycler la pulpe d'effrayants potirons
En Bretagne, la Toussaint marque davantage la fête des trépassés que celle de tous les saints. Dans ce pays où « le séjour des morts se confond avec celui des vivants », selon Anatole Le Braz, la Toussaint célèbre les âmes des disparus, des trépassés, et « ces êtres d’outre-tombe sont désignés par un nom collectif : ann Anaon, les Âmes.»
Dans la commune de Plougastel-Daoulas, la Toussaint se confond aussi avec la « Fête des Morts » ou « Nuit des Morts ». C’est le jour de l’ancienne fête irlandaise du 1er novembre – samain –, qui marque le début et la fin de l’année. C’est l’époque des « calendes de l’hiver » (kala goañv), qui désignent en breton comme en gallois les premiers jours de novembre.
Mais si novembre est le mois des morts, il ne faut pas oublier qu’il est aussi le mois des semailles, le mois de la vie. C’est le début de la longue période des mois d’hiver, qu’on appelle en breton miziou du (“les mois noirs”) – du (novembre : noir), kerzu (décembre : entièrement noir) et genver (janvier, emprunté au latin).
La vague d’Halloween trouve donc d’intéressants échos dans ce contexte breton d’entrée dans les mois noirs… Et que faire de la chair de deux généreux potirons évidés? Un délicieux velouté parfumé à la pomme, à l'échalote et à la cannelle accompagné d'une mousse de lait ribot et d'un chutney acidulé à la châtaigne. Trick or treat?
Pour le velouté de potiron, échalotes, pommes et cannelle
Un joli potiron –le plus gros possible !-
Deux belles pommes Germaine de Brasparts
500 gr d’échalotes
Une généreuse noix de beurre demi-sel
Cannelle de Ceylan
Poivre noir de Madagascar
Sel de Guérande
Pour la mousse de lait ribot
10 cl de lait ribot
10 cl de crème liquide
Sel de Guérande
Pour le chutney
200 gr de potimarron
200 gr de châtaignes épluchées
200 gr d’oignons rosés de Roscoff
10 cl de vinaigre de cidre
Sel de Guérande
Poivre noir
La veille, préparer la mousse de lait ribot. Le lait ribot, qui à l’origine était le liquide s’écoulant lors du barattage, est aujourd’hui un lait fermenté maigre qu’on trouve au rayon frais. Son goût très frais et aigrelet –un peu un yaourt- épouse ici très bien la douceur du potiron et rehausse parfum de la pomme. Mélanger intimement la crème fraîche, le lait ribot et la pincée de sel. Placer en siphon avec une cartouche de gaz. Secouer énergiquement le tout. Placer au réfrigérateur horizontalement toute la nuit.
Couper en petits dés les oignons, le potimarron et les châtaignes. Laisser compoter le tout dans du beurre. Saler et poivrer. Ajouter le vinaigre de cidre et un voile de piment. Réserver dans un bocal ou un petit bol de service.
Evider le potiron (à la cuillère à soupe ou, mieux encore, à la cuillère à glace métallique aux bords tranchants) et le garnir de bougies après avoir découpé l’emplacement des yeux effrayants, du nez épouvantable et du rictus abominable (ne pas oubliez d’édenter le monstre et de le faire tirer la langue). Conserver 1 kg de pulpe (et congeler le reste en sachets d’1 kg pour d’autres expériences culinaires à venir). Faire fondre le beurre dans une cocotte et laisser dorer les échalotes ciselées jusqu’à légère caramélisation en surveillant constamment. Verser la pulpe de potiron, les pommes épépinées coupées en morceaux (en conservant la peau) puis la cannelle, le poivre et le sel. Laisser compoter doucement puis mouiller avec de l’eau ou du bouillon à hauteur. Couvrir et laisser cuire une demi-heure, le temps de dresser le couvert. Mixer finement avec un mixeur plongeant.
Servir la soupe brûlante dans des bols généreux. Déposer au fond de chaque bol une cuillère de chutney, recouvrir d’une louche de soupe et terminer d’une belle virgule de mousse de lait. Plonger la cuillère dans ce velouté réconfortant en frissonnant devant le rictus effrayant du potiron édenté… Attendre sereinement que d’horrifiques enfants grimés frappent lugubrement à votre porte en hurlant : trick or treat !