Trick or treat? Tarte au potiron, au miel et aux épices douces...
Il a beaucoup été écrit de commentaires sur la Toussaint, la « fête de tous les saints, connus et inconnus », dont la célébration le 1er novembre coïncide à la fête celtique de Samain. Cette correspondance est renforcée par la « commémoration des fidèles défunts », c’est-à-dire la fête des morts, fixée le 2 novembre dans le calendrier catholique romain. Selon la doctrine dictée par la Congrégation des Rites, « la fête des Morts complète la fête de tous les Saints. Après avoir rendu un culte à tous les Saints (Église triomphante), l’Église s’est souvenue des âmes du Purgatoire (Église souffrante) qui attendent leur délivrance ».
Cette double célébration par l’église catholique aux dates où les Celtes célébraient leurs morts est d’autant moins fortuite que la Toussaint est apparue tardivement, au Ve siècle, dans le festiaire chrétien, et n’a été officialisée à Rome qu’au VIIe siècle par le pape Boniface IV, d’abord à la date du 13 mai, correspondant à la consécration de l’église Sainte-Marie-et-des-Martyrs à Rome en 610, avant d’être décalée au VIIIe siècle le 1er novembre par le pape Grégoire III.
C’est en 835 que le pape Grégoire IV confirma la fête de la Toussaint au 1er novembre en l’inscrivant dans le calendrier liturgique. Quant à la fête des morts le 2 novembre, on en trouve trace en 998 lorsque saint Odilon, abbé de Cluny institua le « Jour des Trépassés ». L’attestation de Samain est donc antérieure d’un millénaire à ces célébrations, ainsi que le prouve le calendrier gaulois exhumé en 1 897 à Coligny dans l’Ain. Le calendrier luni-solaire comprenant 5 années de 12 mois de 29 ou 30 jours, débute par la fête de Samonios le 1er novembre. Cette table de bronze (1,50 m sur 0,90 m), aujourd’hui exposée au Musée gallo-romain de Fourvière à Lyon, daterait du IIe siècle mais l’élaboration particulièrement complexe de son comput remonterait à plusieurs siècles avant la conquête romaine.
L’année celtique s’ouvre par une période de fête, les trois nuits de Samain ou « Trinoxtion samoni », dont les celtisants Georges Dottin, Joseph Loth, Paul-Marie Duval, Georges Pinault, Christian-J. Guyonvarc’h et Françoise Le Roux ont abondamment fait l’exégèse.
« Samain est, au premier novembre, la fête irlandaise de loin la mieux attestée ou, au moins, celle dont les mentions sont les plus fréquentes dans les récits mythologiques et épiques, celle qui a le plus intéressé ou intrigué les érudits. C’est en effet le moment où les hommes ont accès à l’Autre Monde parce que l’éternité du Sid (l’autre monde) pénètre le temps et en suspend le cours. Les messagères des dieux viennent aussi chercher les heureux mortels qu’elles ont élus parce que, précisément, la suspension du temps annihile provisoirement toute différence entre l’Autre Monde et le monde des hommes et fait tomber toutes les barrières. C’est une fête de fermeture de l’année écoulée et d’ouverture de l’année à venir. Le temps de Samain est celui du sid brièvement confondu avec celui de l’humanité. Les hommes ont, pendant quelques jours, accès au monde des dieux sans verser dans l’outrance ou le sacrilège ». Ce commentaire de Christian-J. Guyonvarc’h résume parfaitement le contexte de la fête de Samain, devenue la fête des morts en Bretagne, et transformée en Halloween en Irlande.
Bernard Rio, "Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la mort", prix 2014 de l'académie littéraire de Bretagne, publié aux éditions Ouest-France, préfacé par Claude Lecouteux, professeur émérite à La Sorbonne.
Et pendant que petits déguisés et grands grimés arpentent villages et quartiers, allumer le ventre de l’effrayant Jack O’Lantern d’une multitude de lueurs maléfiques : trick ou treat ?
Enfourner une tarte au potiron et aux épices en attendant la visite des monstres improbables…
Pour 6 personnes (un moule de 24 cm) :
Une portion de pâte brisée (c’est par ici http://gouezou.canalblog.com/archives/2014/10/30/30862754.html )
400 g de chair de potiron
80 g de sucre de canne complet
1 cuillère soupe de miel
1 cuillère à café d’un mélange d’épices façon pain d’épices (cannelle, badiane, gingembre, girofle, cardamome, anis vert, etc.)
1 belle orange bio
250 g de fromage blanc au lait entier de vache Bretonne pie noir
3 œufs du poulailler
Couper en gros dés la chair du potiron et la placer dans une casserole avec le jus de l’orange, le zeste d’une moitié d’orange, les épices, le sucre, le miel et placer sur feu doux. Laisser compoter jusqu’à atteindre un tout début de caramélisation.
Retirer du feu, laisser tiédir un peu et passer le tout au mixeur.
Préchauffer le four sur 180°.
Dans une jatte, battre les œufs avec le fromage blanc. Ajouter la compote de potiron.
Abaisser la pâte et foncer un moule (ou un cercle). Verser le mélange œufs, fromage blanc et compote de potiron dans le moule. Enfourner pour 40 à 45 minutes.
Au sortir du four, démouler, laisser refroidir et partager cette tarte à la fois croustillante, fondante, moelleuse et diablement parfumée… Et replonger dans le livre de Bernard Rio en frissonnant.