Courge farcie à l'agneau, aubergines et épices, pour "Le pâtre de la nuit" d'Anatole Le Braz
On célèbre demain les quatre-vingt-dix ans de la disparition d’Anatole Le Braz, professeur de lettres, écrivain et collecteur d’un pan de la culture bretonne. Cet universitaire humaniste, figure emblématique de la littérature bretonne, est l’auteur, en 1893, de « Légende de la mort en Basse-Bretagne », son peuple immense des âmes en peine -l’Anaon-, l’ouvrier de la mort -l’Ankou- et les pauvres mortels qui composent avec cette cosmogonie particulière.
On doit à ce poète des portraits sensibles et des clichés nostalgiques d’une Bretagne rêvée. Ainsi qu’une improbable descendance : il est en effet l'arrière grand-père de la musicienne Tina Weymouth, bassiste du célèbre groupe américain Talking Heads… De la Légende de la mort à la scène punk rock newyorkaise, il n’y avait donc qu’un pas ?
Icône bretonne par Hippolyte Berteaux, le cadre comprend une citation de l'écrivain: « Elle porte en ses doigts pieux La gerbe du printemps celtique Et toute la race mystérieuse Fleurit, suave, dans ses yeux »
Le Pâtre de la nuit
De qui surveillait-il les troupeaux ? On ne sait.
Mais, chaque soir, à l'heure où le soleil baissait,
Sur le Roc-Trévézel on le voyait paraître,
Debout, dans l'attitude immobile d'un prêtre
En oraison devant l'Esprit de ce haut-lieu...
Le couchant s'éteignait dans le firmament bleu
Et les ombres des monts, en nappes déroulées
Du front chauve des cairns au sein vert des vallées,
S'épandaient comme un fleuve aux larges eaux, sans bruit
Que buvait cette mer de ténèbres - la nuit.
Alors, tandis qu'épars sur les gazons des pentes
Erraient les boucs lascifs et les chèvres grimpantes,
Lui, l'homme, il entonnait, pour se sentir moins seul,
Quelque chant qu'un aïeul apprit à son aïeul.
L'air en était si pur, si fervent et si tendre
Que les tourbiers du Yeun s'attardaient à l'entendre,
Heureux de respirer dans l'espace muet
Le peu de songe humain qu'il y perpétuait.
Or, un soir, la complainte à peine commencée
Suspendit tout d'un coup son vol, l'aile cassée
Un silence panique enveloppa les cieux ;
Ressaisis par la peur primitive, anxieux
De cet abîme noir, sans vie et sans haleine,
Ce fut en vain que les chemineurs de la plaine
Réclamèrent aux monts les accents du chanteur.
Il se tenait toujours debout sur la hauteur,
Mais l'âme indifférente aux êtres comme aux choses.
Et sa voix gisait morte entre ses lèvres closes.
On raconta plus tard que, rêveur éveillé,
La nuit, ô pâtre élu, t'avait émerveillé
En laissant à tes yeux choir ses ultimes voiles...
Tu fus celui qui, le premier, vit les étoiles
Décrocher des arceaux du ciel leurs lampes d'or
Et dans l'éther béant monter, monter encor,
Sans fin, - tel un cortège innombrable de vierges
Allant à quelque autel d'en-haut vouer leurs cierges
Par delà des azurs insoupçonnés d'en bas.
Une immense harmonie accompagnait leurs pas,
Selon les lois d'un rythme inconnu de la terre...
Ainsi te fut, dit-on, révélé le mystère
Dont nul autre avant toi n'avait été troublé :
Le vide universel s'était soudain peuplé,
Les mondes en chantant traversaient l'étendue.
Et, devant leur chanson, la tienne s'était tue.
Anatole Le Braz, Poèmes votifs, 1926.
Pour 4 pâtres, leur troupeau bêlant, sur les pentes douces des Monts d’Arrée :
4 courges moyennes ou une grosse et bio (type potimarron ou musquée de Provence)
500 gr d’épaule d’agneau du Parc Régional d’Armorique (désossée et coupée en dés)
80 g de pois chiches cuits
300 gr d’aubergines confites à l’huile d’olive (c’est par ici http://gouezou.canalblog.com/archives/2014/04/14/29663958.html )
Un bocal de tomates au naturel (ou 4 à 5 tomates fraîches en saison)
5 oignons jaunes rosés de Roscoff
5 gousses d'ail rose de Lautrec
4 cuillères à soupe d'eau de fleur d'oranger bio et de qualité
Le jus d'un demi citron jaune bio
2 cuillères à soupe de sucre
Une cuillère à café de cannelle
Une cuillère à café de coriandre
Une cuillère à café de curcuma
Huile d'olive vierge extra
Sel de Guérande
Poivre noir du moulin
Émincer les oignons, piler au mortier les gousses d'ail. Si les tomates sont fraîches (en saison donc), les monder, les épépiner et détailler en morceaux.
Dans une cocotte en fonte, faire revenir l’agneau dans six cuillères à soupe d’huile d’olive. Laisser colorer de tous les côtés pour bien faire prendre la viande. La retirer et la réserver.
Dans la même cocotte, mettre l'ail et les oignons. Quand ils commencent à colorer ajouter les tomates et laisser colorer tout en mélangeant pendant une poignée de minutes pour éviter qu'elles n'attachent. Ajouter la coriandre et le curcuma, mélanger puis ajouter la viande. Saler, poivrer puis ajouter 50 cl d'eau.
Couvrir et laisser mijoter à feu très doux une paire d’heures. La viande doit devenir très tendre et le jus épaissir.
Ajouter les aubergines soigneusement égouttées, puis les pois chiches et enfin l'eau de fleur d'oranger, le jus de citron, le sucre et la cannelle puis laisser mijoter encore 30 à 40 minutes. La viande devient fondante au fur et à mesure que les parfums s’épousent et se concentrent (la viande sera fondante et tous les parfums s'amalgameront).
Ôter le chapeau des (ou de la) courge(s) après les avoir lavées et brossées, les/l’évider, puis les cuire au cuit-vapeur (une vingtaine de minutes pour les petites, une quarantaine pour une grosse courge unique). Une pointe de couteau ou une brochette doit transpercer la chair sans résistance. Attention à ne pas trop cuire les courges car elles finiront de cuire au four.
Préchauffer le four sur 200°, chaleur tournante.
Garnir la/les courge(s) avec le ragoût et enfourner un petit quart d’heure. Servir avec du coulis de persil et parsemer de fleurs de sauge ananas.