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GOUEZOU
24 février 2017

Le roi Portzmarch aux oreilles de cheval, une effilochée de queue de boeuf au blé noir

SAM_1806

Il vous faut apprendre, je crois,

Comment il était une fois ...

un roi qui portait le nom de Marc’h, roi de PortzMarch. Marc'h signifie, comme vous le savez, cheval en langue bretonne. Ce roi Marc'h avait son palais à PortzMarch, près de Douarnenez.

Marc'h, roi de PortzMarch, possédait un cheval comme jamais on n'en a vu et jamais on en verra de semblable en ce bas monde. Crinière au vent, il faisait des bonds si légers à travers les landes, par-dessus les montagnes, et d'un bord à l'autre des vallées, que ses sabots ferrés d'argent ne laissaient même pas de trace dans le sol. Il galopait aussi bien sur l'eau que sur la terre ferme et les vagues de la mer en furie ne l'arrêtaient pas. C'est pourquoi le cheval de Marc'h, roi de Poulmarc'h, était appelé Morvarc'h ce qui, vous ne l'ignorez pas si vous avez un peu d'instruction, signifie Cheval Marin.

ROI PORZMARCH OREILLES CHEVAL

Un jour qu'il était parti avec toute sa cour chasser en forêt de Néved, il aperçut à l'orée d'un layon une biche blanche, la plus belle qu’il eut jamais vue. Il s'élança à sa poursuite. Les autres gens de la chasse furent bientôt distancés.

La biche, le cavalier et sa monture finirent par atteindre le rivage de la baie de Douarnenez. Ne pouvant aller plus loin, la biche fit un bond prodigieux jusqu'à un rocher qui se dressait au-dessus de la mer. Elle restait là, haletante, tournant vers le chasseur ses grands yeux de velours d'où s'écoulait une larme. Le roi Marc'h impitoyable, tira une flèche de son carquois, banda son arc et lâcha son trait. La biche saisit au vol la flèche entre ses dents et la rejeta vers le chasseur. La pointe de fer vint frapper le cheval Morvarc'h au beau milieu du poitrail. L'animal poussa un hennissement de douleur, désarçonna son cavalier, s'effondra sur le sol, roula et dévala du haut de la falaise jusque dans les flots. Une rage infinie s'empara de Marc'h : dégainant son poignard de chasse, il descendit dans la mer et, de l'eau jusqu'aux cuisses, s'avança vers la biche blanche qui se transforma incontinent en une sublime jeune fille à la chevelure d'or couronnée d'algues, aux yeux verts émeraude limpides comme l'onde. Voyant qu’elle portait suspendue à son cou par une chaîne d'or une grosse clef rouillée, Marc’h comprit qu'il avait affaire à Dahut, la funeste et vénéneuse princesse d'Ys.

- Remercie-moi, Marc'h, roi de Ploumarc'h, lui dit-elle, de t'avoir laissé la vie, alors que tu ne cherchais qu'à me prendre la mienne. Pour te punir de ta cruauté, tu porteras désormais la crinière et les oreilles de ton cheval Morvarc'h.

Avec un grand éclat de rire, elle plongea dans l’onde salée et nagea jusqu'au cadavre de l'étalon, lui lui rendit la vie d’une pichenette. Elle l’enfourcha, il se cabra, ébroua une tête dépourvue de sa belle crinière et désormais dotée d’oreilles humaines ridicules.

Avant de partir au galop sur les crêtes des vagues, la maléfique sirène d’Ys mugit:

- Le roi Marc'h a les oreilles du cheval Morvarc'h !

Et l'écho répéta, moqueur : "Le roi Marc'h a les oreilles du cheval Morvarc'h !".

Le souverain porta les mains à sa tête avec effroi: il était bien affublé des oreilles poilues de son étalon noir et une longue crinière flottante lui pendait jusqu'au milieu du dos.

Il mit son manteau sur sa tête et attendit la nuit pour rentrer discrètement à pied à PortzMarch. Pénétrant dans le palais par une porte dérobée, il ordonna à travers la porte de sa chambre à ses valets de tendre au milieu de la salle du trône un rideau que personne ne devrait franchir, sous peine de mort. Il se tiendrait derrière ce rideau pour écouter les requêtes et les rapports de ses courtisans et de ses officiers qui demeureraient de l'autre côté.

Il envoya quérir un coiffeur qui lui ramena cet ornement insolite à de plus raisonnables proportions. Sans état d’âme, le roi lui trancha la gorge dès qu'il eut donné le dernier coup de ciseau pour s’assurer de son silence.

Une semaine plus tard, les crins avaient repoussé. Il fit venir un autre coiffeur et, son travail fait, l'occis comme le premier. Les semaines se succédèrent et la même scène régulièrement, se répétait. Une bonne vingtaine de maîtres coiffeurs, garçons coiffeurs et apprentis coiffeurs passèrent ainsi de vie à trépas, tant et si bien qu'il n'en resta plus un seul dans tout le royaume.

De fait, il en restait tout de même un, l’ultime. Il s'appelait Yeunig et avait été longtemps le coiffeur attitré du roi qui l'aimait bien. La pensée de devoir lui couper le cou lui était très désagréable. Mais la crinière s'allongeait, s'allongeait, descendait jusqu'à terre et commençait à traîner dans la poussière. Il ne pouvait plus y tenir et finit par se résoudre à envoyer chercher Yeunig.

- Que n'avez-vous fait appel à moi plus tôt ! Je possède des ciseaux enchantés qui m'ont été remis par une fée à qui j'avais rendu quelques services. Les cheveux... ou les crinières coupés avec ces ciseaux ne repoussent jamais plus.

- Yeunig, tu es mon sauveur ! Coupe-moi vite cette tignasse, avec tes ciseaux magiques.

- Votre Majesté me promet-elle de me laisser la vie ?

- Mais bien sûr“, cher Yeunig, bien sûr. Jure-moi seulement que tu ne confieras à personne, quoi qu'il arrive, que j'ai les oreilles de mon cheval Morvarc'h.

Yeunig jura. Il coupa la crinière avec ses ciseaux enchantés et plus jamais la crinière ne repoussa. Restaient les oreilles toutefois...

Les sujets, cependant, au royaume du roi Marc'h, étaient fort intrigués. Quel secret pouvait détenir le perruquier Yeunig qui était si grave qu'il avait coûté la vie à aux autres perruquiers ? Sollicité de toutes parts, des gens de cour aux manants, il ne flancha pas et refusa de répondre.

Mais son secret l'oppressait de plus en plus. Les mots "Marc'h a des oreilles de cheval" lui démangeait la langue. Il lui fallait faire un effort considérable, de plus en plus considérable, pour les retenir. S'il avait pu les crier, ne serait-ce qu'une seule fois, il se serait senti délivré. Mais il ne voulait même pas le faire au fond des bois, car les feuilles des arbres auraient pu les répéter ; il ne voulait pas le faire au bord de la mer, car les vagues auraient pu les redire ; il ne voulait pas même le faire au sommet du solitaire et chauve Menez-Hom, car le vent aurait pu les emporter avec lui.

Un jour, n'y tenant plus, il s'en fut jusqu'à la plage de la Palud et creusa dans le sable un trou profond mais pas plus large que sa tête. Il y enfouit on visage et hurla :

- Le roi Marc'h a les oreilles du cheval Morvarc'h !

Puis il s'empressa de reboucher le trou avec du sable qu'il tassa soigneusement. Alors il soupira d'aise. Il se sentait soulagé. Il prêta l'oreille : ni le vent soufflant sur la dune, ni la houle qui déferlait sur la plage ne répétaient son secret. Il n'avait pas été entendu. La paix sauvage, la paix d'éternité de l'infertile grève n'avait pas été troublée. Par la suite, trois roseaux poussèrent à l'endroit même où Yeunig, le coiffeur du roi, avait enfoui son trop lourd secret.

Un jour vint où Marc'h, maria sa soeur, la douce Bleunwenn, au roi de Léon, Rivalen. Sa dignité exigeait, bien sûr, qu'à cette occasion il donnât des fêtes magnifiques et y conviât tous les rois, reines, princes et princesses d'Armorique. On avait fait venir pour la noce les meilleurs sonneurs de bombarde et de biniou de tout le pays breton. Malheureusement, ces talentueux artistes, assoiffés et affamés comme tous sonneurs qui se respectent, s'étaient précipités, dès leur arrivée au palais, la veille du mariage, sur tout ce qui pouvait se manger ou se boire et avait l'infortune de se trouver à leur portée. Ils n'avaient pas respecté les petites provisions préparées comme tous les soirs sur les coins de table, dans la cheminée et à l'entrée de l'écurie, à l'intention des korrigans familiers. Ceux-ci, en arrivant vers minuit pour balayer les grandes salles du palais et faire la toilette des chevaux, furent très dépités de ne trouver ni crêpes beurrées, ni lard à se mettre sous la dent, non plus que la moindre goutte de lait ribot, de cidre ou d'hydromel pour s'humecter le gosier. Ils résolurent de se venger - oh ! sans méchanceté, car ils étaient seulement espiègles. Ils n'imaginèrent rien de mieux que de subtiliser les anches de tous les binious et de toutes les bombardes.

SAM_1803

On imagine l'affolement, lorsque les sonneurs voulurent accorder leurs instruments avant de donner la branle aux premières gavottes. On chercha dans tous les coins les anches disparues et lorsqu'on eut définitivement perdu tout espoir de remettre la main dessus, on courut de tous côtés à la recherche de quelque chose avec quoi on pourrait en confectionner de nouvelles. C'est alors qu'un jeune garçon du pays, fils de pêcheur, signala qu'il avait remarqué sur la grève de la Palud trois magnifiques roseaux qui s'y prêteraient admirablement. On envoya aussitôt les meilleurs marins de Poulmarc'h sur le meilleur bateau quérir ces trois roseaux. Ils furent bientôt de retour et il y eut de quoi faire des anches pour toutes les bombardes, tous les chalumeaux de binious et tous les bourdons.

Le maître des cérémonies, qui se rongeait d'impatience, donna immédiatement le signal de commencer les danses. Les binious soufflèrent dans leurs outres, les talabarders portèrent leurs bombardes à leurs lèvres et Yao ! en avant la musique !

C'est alors que la stupeur se peignit sur tous les visages des invités de la noce. Au lieu de sonner, les bombardes et les binious, à l'unisson, clamaient :

- Le roi Marc'h a les oreilles du cheval Morvarc'h !

Tous les regards se tournaient vers la tente où se tenait le roi. Au milieu des murmures et des rires étouffés, la jeune mariée s'avança bravement vers cette tente et demanda :

- Est-ce vrai, mon frère, que vous avez les oreilles du cheval Morvarc'h ?

On vit alors le roi rouge de honte, sortir en courant, arracher l'écharpe qui dissimulait ses oreilles poilues et s'enfuir en criant :

- Oui, c'est vrai Marc'h a les oreilles du cheval Morvarc'h.

Il embarqua vers la Grande Bretagne chez son cousin le roi Arthur et ne remit jamais les pieds au pays de Portzmarch.

«Le roi Portzmarch faisoit mourir tous ses barbiers, de peur qu’ils racontassent au public qu’il avoit des oreilles de cheval. L’intime ami du roi venoit de le raser, il avoit juré de ne pas dire ce qu’il savoit; mais ne pouvant résister à la rage de raconter ce fait, par le conseil d’un sage, il fut le dire aux sables du rivage. Trois roseaux naissent dans le lieu, les bardes en firent des hanches de Haut-Bois qui répétoient : Portzmarch, le roi Portzmarch a des oreilles de cheval.» (Jean-Jacques Le Maguérèze, né à Baud vers 1770)

"J'ai parcouru les dictionnaires au mot Gourmandise, et je n'ai point été satisfait de ce que j'y ai trouvé. Ce n'est qu'une confusion perpétuelle de la gourmandise proprement dite avec la gloutonnerie et la voracité: d'où j'ai conclu que les lexicographes, quoique très estimables d'ailleurs, ne sont pas de ces savants aimables qui embouchent avec grâce une aile de perdrix au suprême pour l'arroser, le petit doigt en l'air, d'un verre de vin de Lafitte ou du Clos-Vougot." (Brillat-Savarin, Physiologie du goût, 1826)

Donc, c'est avec une infinie gourmandise qu'on partagera une queue de bœuf de Highland Cattle (du Ranch de Kerbongout) fondante au sel fumé épicé de Norvège, à l'oignon rosé de Roscoff et aux graines de blé noir torréfiées qu'accompagnera -outre une lichette de ketchup de butternut- un Beaujolais nouveau tout à fait de saison. La gourmandise n'est donc pas un vilain défaut...

Au menu pour se remettre de ses émotions, effilochée de queue de bœuf Highland Cattle aux graines de blé noir…

SAM_1796

Pour deux assiettes, celle du Roi Portzmarch et de son coiffeur Yeunig :

1 queue de bœuf Highland Cattle bio du Ranch de Kerbongout

Un bouquet garni (thym, laurier, persil, romarin)

1 poireau

1 carotte

1 oignon

1 branche de céleri

300 gr de graines de blé noir bio

Sel de Guérande

Poivre du moulin

Un pot de ketchup de butternut (c’est par ici http://gouezou.canalblog.com/archives/2016/01/19/33237495.html )

 SAM_1802

Préparer le bouillon de pot au feu avec les légumes : poireau, carotte, oignon, céleri détaillés en petits morceaux, dans 4 litres d’eau, poivrer, saler et y plonger la queue de bœuf. Laisser cuire à petit bouillon pendant 3 heures. Pendant ce temps, faire torréfier à four chaud pendant une quinzaine de minutes les graines de blé noir disposées sur une seule couche dans un plat en tôle. Prélever deux litres de bouillon et faire cuire le blé noir torréfié pendant 15 minutes. Egoutter et réserver au chaud.

Lorsque la queue de bœuf est cuite, la sortir du bouillir et effilocher la viande à la main (attention, c’est très chaud !). Conserver les légumes du bouillon et le bouillon filtré pour d’autres utilisations bien sûr.

SAM_1800

Pour servir, on peut utiliser des cercles à pâtisserie. Les poser sur des assiettes, et montez l’effilochée : graines de blé noir tassées, queue en fine couche, blé noir puis queue toujours en couche fine. Quoi qu’il en soit, toujours terminer par la queue. Oter les cercles, mettre un ruban de ketchup de butternut dessus ou tout autour et servez très chaud, accompagné d’une petite salade de saison, mâche, oseille et krampouez mouzik.

 

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