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GOUEZOU
5 mai 2018

Un prince, une bergère, une piscine en forme de coeur, un navire à vapeur et une gelée de lilas...

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Descendons de la montagne usée de l’Arrée et suivons l'Élorn qui de sauvage et capricieux en amont de Landerneau devient languide et versatile avec les marées une fois le pont habité passé…

Et remontons le temps, on n’est pas à un paradoxe près.

VAPEUR ROUE A AUBE LANDERNEAU
Une gravure du “Voyage dans le Finistère” de Cambry témoigne de la présence dans le port de Landerneau, en 1835, d’un bateau à vapeur et de ses roues à aube. En 1864, un an avant la toute première entrée en gare de Landerneau de la première locomotive, le service existait encore et un vapeur quittait Brest chaque jour pour Landerneau suivant un horaire qui variait “suivant la marée”. L’arrivée du train lui vaudra une nouvelle carrière. Visionnaire et novateur, le “vapeur” se lancera en effet dans un tourisme précurseur et sera le transport des jours de fête. Le service désertera l’Elorn mais se renforcera vers la presqu’île, reliant effectivement Landévennec à Brest.
On s’installe donc à bord du vapeur, le « Rosalie », chapeau, montre à gousset, dentelles et jupes froufroutantes de taffetas. Amarres jetées du quai du Léon, les roues à aube propulsent lentement le vapeur vers Brest. On s’installe en bonne compagnie, darjeeling brûlant, toasts briochés et une jolie gelée fleurie de lilas… On profite du jusant qui fait glisser le vapeur et du paysage du défile en douceur : après la Grande Palud côté Léon et le moulin de Poulquijou sur la rive cornouaillaise, on longe la forêt de Landerneau, fraîche et touffue, on distingue le manoir de Coat Mez puis la grève de Penn-An-Traon au Douvez. L’Elorn se déploie et achève sa mue : la rade de Brest se profile à l’ouest… De part et d’autre, deux communes se font face, celle de Plougastel –célèbre pour ses fraises- sur la rive sud et celle du Relecq-Kerhuon sur la rive septentrionale, un village austère de pêcheurs qui, alors que déroule le XIXème siècle, se transforme lentement en Riviera qu’émaillent de belles « campagnes », demeures bourgeoises écloses au long de ce siècle bourgeois. Dont un manoir sur les hauteurs de la grève de Camfrout, juste avant la Passage, au moment où l'Elorn disparaît dans la rade. Celui de Rosalie…

rosalie-leon-le-relecq-kerhuon-1870prince Pierre de Sayn-Wittgenstein 2


Dans cette partie privilégiée de la paroisse, on murmure qu'une grande dame parisienne avait fait l’acquisition dans la seconde moitié du XIXème siècle de terres et de landes. Dans les salons des villas cossues, on chuchota qu'elle était le bonne amie d'un authentique prince russe vivant à Paris et fabuleusement riche...
Dans cet environnement bruissant de rumeurs, le couple mystérieux fit bâtir une maisonnette, étonnante, minuscule mais luxueuse, tout en bois, couverte de tuiles rouges. Une élégante et atypique terrasse bordée de balustres en terre cuite offrait une vue magnifique sur l'Élorn, du Passage à la rade de Brest. Les deux amants y séjournaient les beaux jours d'été la nommant leur "chaumière" et la baptisant "Kerléon" du nom de la dame née Rosalie Léon. La sulfureuse «chaumière » devient rapidement « the place to be » et l’on se bousculait à la table de Rosalie qui, si elle vivait ostensiblement dans le péché –puisque le Prince ne pouvait épouser une roturière d’aussi basse extraction-, n’en était pas moins une vibrante et bonne chrétienne –à l’aune de son siècle- qui déliait bien volontiers sa bourse au profit de la paroisse. Le recteur de l’époque –et la bonne société kerhorre à l'unisson- recueillit alors –et diffusa certainement avec délectation- l’incroyable histoire de Rosalie…
Les fées ne se sont pas penchées sur le berceau de Rosalie en 1832. Mais elles se sont ravisées par la suite. Au beau milieu d’une ribambelle de frères et sœurs, elle est la fille d’un misérable maçon quimpérois, Armand Léon, et de son épouse épuisée par la misère et les grossesses enchaînées, Perrine Cadiou, qui meurt en couches. On a connu des débuts dans la vie plus enchantés. La fillette est alors confiée aux bons soins d’une de ses sœurs aînées, épouse de marin vivant près de Brest, à Guipavas (la commune du Relecq-Kerhuon n’est pas encore autonome et fait partie de Guipavas jusqu’en 1896).
Elle grandit bon an, mal an, puis est placée comme servante chez les époux Marein qui tiennent une modeste auberge sur la route de Brest à l'entrée du bourg. Son adolescence s’use à frotter, briquer et servir mais de la chrysalide sort un délicat papillon : à 18 ans, contre vents et marées, Rosalie est devenu un beau brin de fille, pleine de vie et d’esprit, qui rêve sans doute de d’ors et de lumière. Elle prend la diligence pour le Paris du Second Empire, creuset de promesses les plus extravagantes et des rêves les plus insensés. Dans ce Paris des Grands Boulevards et des revues, elle tente de se faire une place au soleil et chante, déguisée en bretonne, sous le nom de Rose Noël –l’anagramme de Léon-, fait de la figuration dans les revues, décroche des rôles dans les opérettes d’Offenbach, compositeur dans l’air du temps.

Rosalie-Lon-2-2Le_château_de_Kerléon


Un beau soir, un coup de baguette magique transforme sa vie : un jeune prince à la barbe rousse la dévore des yeux, elle rougit vraisemblablement mais soutient son regard et hop ! ni une, ni deux, l’amour les foudroie !
Il s’avère que tous les poncifs sont bel et bien réunis dans cette bluette balbutiante car c’est bien un prince qui a craqué pour une bergère : Pierre Dominique Louis, Prince de Sayn Wittgenstein, est en effet l'authentique rejeton d'une très vieille famille de la noblesse européenne. Né en 1829 au château de Verki près de Vilna en Lituanie russe, il a pour proche ancêtre un feld-maréchal russe qui a combattu Napoléon Ier à Leipzig et en France en 1815. Sa mère, Dame Stéphanie, est princesse Radziwill, héritière d'une illustre famille noble polonaise. A l’image de son pedigree, sa fortune personnelle est fabuleuse : de sa mère, il tient d'immenses propriétés en Pologne annexée à la Russie depuis la fin du XVIIIe siècle. De son père, il a hérité le titre de prince qui lui vaut d'être général et aide de camp du tsar Nicolas Ier, empereur de Russie, puis de son fils Alexande II. Rien de moins. C’est ès qualité qu’il se trouve à Paris au début du Second Empire, affecté en qualité d'attaché militaire à l'ambassade de Russie dans la capitale française, au plus près de la cour de Napoléon III, au cœur de ce Paris impérial et clinquant.
Dans les années 1860, le prince installe Rosalie dans un hôtel particulier qu'il a acquis sur le Chemin de ronde de l'ancienne barrière de l'Étoile qui va devenir la rue Dumont-d'Urville. Il la dote richement, l'entoure de domestiques et l'entraîne dans le tourbillon de la vie parisienne.
Pendant les vingt années suivantes, le couple va aussi beaucoup voyager. Ses obligations diplomatiques n'étant pas trop astreignantes, Pierre sacrifie volontiers à la mode du temps et entraîne sa belle amie sur les routes d'Europe. On va prendre les eaux à Ems en-Allemagne ou en Savoie, à Aix-les-Bains. L'hiver, on passe quelques semaines sur la Côte-d'Azur comme beaucoup de nantis, on visite Florence et l'Italie. Lors d'un voyage à Nice, le Prince acquiert pour Rosalie une jolie villa sur la fameuse Promenade des Anglais. Tenu de rendre compte de sa mission à son gouvernement, Pierre conduit la jeune femme en Russie, au château natal de Verki d'abord, puis à Vilna où résident les banquiers du Prince, à St-Petersbourg enfin, au palais du tsar. La petite orpheline de Guipavas est ainsi présentée solennellement à la cour de Russie…
Mais Rosalie regarde à l’occasion dans le rétroviseur avec une nostalgie toute bretonne. Après avoir sillonné l’Europe et ses cours de long en large et en travers, elle amène Pierre à découvrir d’autres horizons, différents: la rade de Brest, la presqu’île de Plougastel, Landerneau et ... la magie des monts d’Arrée, contre laquelle on ne peut rien.
La guerre franco-prussienne de 1870 va marquer un tournant dans leur vie, car, lorsqu'elle s'achève enfn, Pierre est désormais beaucoup plus libre. Le Second Empire s'étant effondré à Sedan, sa mission diplomatique s'achève. En conséquence, les séjours du couple en Bretagne se feront plus fréquents et plus longs.
Rosalie qui atteint la quarantaine va être touchée par le virus de la propriété. Pendant une dizaine d'années de 1871 à 1880, avec une insistance qui confine à la frénésie, elle achète toutes les terres disponibles autour de sa "chaumière". L'argent ne comptant pas pour le Prince, les propriétaires locaux sont sollicités, pressés par les notaires du couple Maître Lorin à Guipavas et Maître Raillard à Brest. Les prix montent vite... En 1878, Pierre acquiert d'un seul coup la propriété de Beau Repos, de Keradraon et Trévéchou, fermes, moulins, manoir et réserves, lais de mer en bordure de l'Élorn près de La Forest-Landerneau. En 1881, trois ans après, nouvelle acquisition du Prince, cette fois c'est la terre du Nivot entre Lopérec et Brasparts, dans les Monts d’Arrée. Fin chasseur Pierre voulait cette terre pour satisfaire sa passion et celle de ces amis. Pour faire bonne mesure, il loue en outre le droit de chasse en forêt de Landévennec...
L’acmé de cet ancrage en Finistère nord reste la construction d’un grand château à Kerléon, près de la Chaumière, pour donner à sa dulcinée pour laquelle il se consume toujours un cadre digne d'elle.
Un architecte de la Côte d'Azur, connu lors d'un voyage, fournit les plans, cependant que des artistes italiens sont sollicités pour la décoration. A partir de 1880, un bel immeuble aux larges baies, flanqué de tours, commence à s'élever au-dessus de Pen-an-Toul. Des arbres choisis parmi de belles essences sont plantés tout autour pour lui faire un bel écrin de verdure. Autour des nouvelles propriétés de Rosalie -car tout est acquis à son nom- Pierre fait bâtir de solides murs de pierre et, sur piliers et frontons des porches, ce vrai romantique, digne contemporain de Dumas fils et de sa Dame aux camélias, fait sculpter les lettres P et R entrelacées pour l'éternité...
Ses coûteuses fantaisies ne semblent pas avoir de limites. Un beau jour, dans le parc de Beau Repos, Rosalie découvre une nouvelle construction vraiment incongrue dans ce paysage breton : c'est tout simplement une isba, richement décorée et garnie d'énormes poêles de faïence, exacte et luxueuse réplique des habitations russes, bâtie en secret par des ouvriers venus de Lituanie sur l'ordre du Prince... A Kerléon, Rosalie aime se baigner mais l'eau de l'Élorn est bien froide. Qu'à cela ne tienne, une jolie piscine en forme de cœur est creusée dans le parc. La bien-aimée apprécie les promenades en mer? Un petit vapeur tout rutilant de ses cuivres, armé par un équipage de cinq hommes, prend son mouillage devant la "chaumière". Il sera baptisé -nul ne s'en étonnera- la "Rosalie"...
Pendant plus de vingt ans, des sommes astronomiques en provenance des banques russes alimentent la folie amoureuse et l’économie locale.
Mais, comme chacun sait, les histoires d’amour finissent mal, en général… et Rosalie s’éteint, à peine quinquagénaire, dévorée par une phtisie galopante. Son Pierre, consumé de chagrin, la rejoint dans la mort quelques mois après… Ah! L'amour!

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Pour environ deux pots de jolie gelée fleurie de lilas, un Prince et une Bergère :

Un bon litre de jus de pommes bio maison

100 gr de fleur de lilas (débarrassées des tiges)

300 gr de sucre de canne cristallisé

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Dans une grande casserole, verser le jus de pomme, l’amener à petite ébullition et laisser réduire de moitié. Ajouter alors les fleurs de lilas lavées rapidement sous un filet d’eau fraîche. Cuire pendant un bon quart d’heure sans couvrir. Ensuite couper le feu, couvrir et laisser ainsi infuser douze heures.

Réchauffer légèrement puis filtrer la tisane de fleurs de lilas et peser le jus obtenu (environ 500 g). Le mettre dans le récipient de cuisson. Rajouter le sucre, porter à nouveau à petite ébullition une quinzaine de minutes.

Verser dans de jolis petits pots, fermer et retourner jusqu’au refroidissement complet.

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