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GOUEZOU
9 septembre 2018

Satori en Arrée pour Jack Kerouac: pour une terrine de foie de boeuf aux pommes, aux épices douces et au lambig

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En 1727, un certain Urbain François Le Bihan de Kervoac boucle ses malles, quitte Huelgoat en diligence et en catimini pour Brest et met les voiles pour la Nouvelle France, sans un regard dans le rétroviseur. La nostalgie, puissante, ce sera pour sa descendance…

Regardons la galerie de portraits de ses ascendants… Son arrière-arrière-grand-père s’appelait Henri Le Bihan, notaire à Lanmeur. Quant à son arrière grand- père Auffroy (1618-1662), il avait fait un riche mariage à Morlaix et prospéré dans le commerce des toiles. Son grand-père Laurens, notaire, était venu s'établir à Huelgoat, dans les Monts d’Arrée, et se faisait appeler Le Bihan Sieur de Kervoac, petite coquetterie car Kervoac n'a jamais été une seigneurie. Enfin, son père, François Joachim, également notaire à Huelgoat, marié à Catherine Bizien, signait quant à lui Kervoac Le Bihan ou Le Sieur le Bihan de Kervoac.

Que se passa-t-il pour qu’Urbain François soit expédié manu militari non pas dans l’autre monde mais dans le nouveau ? Mystère et boule de gomme… mais des grimoires et des correspondances murmurent qu’une scandaleuse inconduite vers 1720 –friponnerie, brigandage ou viol ? ou les trois ?- le condamna à l’exil dans la Belle Province pour échapper à la justice et à la tradition familiale. Il quitta donc les Monts d’Arrée, n’embrassa point la carrière de notaire et partit à l’aventure. Il ne reverra ni sa famille ni les Monts d’Arrée.

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Durant toute sa vie au Canada –une trajectoire fugace d’étoile filante lunatique -, il s’inventa mille vies, laissa dans son sillage des signatures fantaisistes, dissimula avec une redoutable constance sa véritable identité: au tout début de son exil fantasque, Urbain François signe Hyacinthe Louis Alexandre De K/voach Le Bihan ou Alexandre Le Bihan mais ensuite, commerçant en fourrures, il se présente comme Allexandre (sic) Le Breton ou seulement Alexandre. Quand lui naît un fils -enfant du péché et de l’amour-, Simon-Alexandre Bernier en 1732, l'acte de baptême indique qu'il est le fils d'un certain Alexandre voyageur et de Louise Bernier, qui vont se marier huit mois plus tard –l’honneur est sauf-. Le marié prétend alors s'appeler Maurice Louis Le Bris de Kervoach et se déclare le fils de François Hyacinthe Le Bris de Kervoach et de Dame Véronique Magdeleine de Meseuillac, ce qui est une pure fantaisie lui permettant d’échapper encore et toujours à la justice des deux côtés de l’Atlantique. Et d’ailleurs, qui pourrait s'y retrouver quand il signe en 1733 tantôt Louis De K/voach tantôt Maurice-Louis Le Bris K/voach dit Alexandre pour toucher de l'argent de son beau-père? Il réduit bientôt son nom à Alexandre De Kervoac sauf à la naissance de son deuxième fils Jacques qui est dit « Fils du sieur Louis Le Brice de Karouac ». Il va rendre service à la justice, se racheter providentiellement une conduite et se construire une honorable réputation en aidant à l'arrestation d'un malfrat, et tout cela sous le nom d'Alexandre le Breton. Son troisième enfant, Alexandre, est présenté comme fils de « Monsieur Louis le Brice de Karouac » mais il signe sur l'acte Alexandre de K/voach… C’est à y perdre son latin, son breton et le nord ! Mais la légende est en marche. En 1737, quand notre fantasque Urbain François meurt à Kamouraska, après dix années passées à brouiller les pistes et à changer de nom plus souvent que de chemise, son acte de décès porte le nom d’«Alexandre Keloaque, Breton de nation, âgé d'environ trente ans et faisant fonction de commerçant»…

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Couvert de dettes, il laisse sa femme « veuve de Louis Maurice de Karouac » sans ressources avec trois jeunes enfants, qui engendreront à leur tour de nombreux descendants. Parmi eux, Jean-Baptiste Kerouac, canadien français émigré aux Etats-Unis, dont le fils Léo Kerouac établi à Lowell (Massachusetts ) se marie en 1915 à Gabrielle Lévêque : ce sont les parents de Jack Kérouac à qui son père répétait « Ti jean, souviens-toi que tu es Breton »…  Ces origines bretonnes mystérieuses et insaisissables –et pour cause !- vont hanter Jack toute sa vie, autoriser toutes les rêveries, tous les espoirs, dans une quête du Graal impossible : trésor fabuleux d’un ancêtre mystérieux, identité celte teintée de romantisme… Dans l’entrelacs de signatures, de noms et d’histoires, tout semble possible, tout ramène Jack Kerouac à la Bretagne, terre mythique nourrie de légende : dans son désir ardent de mettre ses pas dans ceux d’un gentilhomme imaginaire, il fit, sans le savoir, le voyage retour que n’avait jamais fait François Urbain, débarquant en 1965 des Amériques au cœur d’un Brest interlope, en noir et blanc, en bruine et vent. Auréolé de brumes alcoolisées, il fit, dans la cité du Ponant tout en abscisses et en ordonnées américaines, de belles rencontres qu’il coucha dans « Satori à Paris » (1966) mais n’atteint jamais l’objet de sa quête, ce berceau familial imaginaire : François Urbain s’était admirablement employé, deux siècles auparavant, à enchevêtrer l’écheveau de sa courte vie.

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Et si… Et si Jack Kerouac, « Sur la route », avait réussi à démêler patiemment ce lacis… Regardons-le, libéré de ses démons, l’âme légère, parcourir les crêtes de l’Arrée dans les pas d’Urbain François, de Paul Sérusier, de Victor Ségalen ou de Fanch Abgrall, faire mille rencontres sur ces terres ingrates, moines rouges et korrigans, loups et pilhaouers. Et au mitan du jour, sur « ces montagnes qui n’en sont plus mais se souviennent de l’avoir été » et dans lesquelles on relève un taux élevé d’excentriques au kilomètre carré, il partage un casse-croûte avec quelque passant improbable –randonneur ou bouvier, fée ou berger- : une terrine de foie de bœuf Black Angus de Saint-Rivoal aux pommes Germaine de Brasparts, aux épices douces et au lambig. Satori en Arrée…

 

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Pour cinq ou six bocaux (ou une grande terrine pour une brassée d’amis) :

500 gr de foie de bœuf Black Angus de la Black Angus Farm de Saint-Rivoal

750 gr de poitrine fraîche porc blanc de l’Ouest de Saint-Cadou

100 gr d’oignons rosés de Roscoff

30 gr de pommes Germaine de Brasparts séchées

Une belle pomme Germaine de Brasparts

1 verre à liqueur de lambig (alcool de pomme)

1 bel œuf du poulailler

25 gr de sel de Guérande

1 cuillère à soupe rase d’un mélange de baies pilées au mortier (poivre timut, poivre Sichuan vert, poivre Sichuan rouge, poivre du Kérala, baies de cannelier)

2 cuillères à café d'un mélange d’épices pour pain d’épices (cannelle, badiane, anis vert, girofle, gingembre, cardamome, macis, galanga...)

 

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Hacher les viandes, les pommes et les oignons avec une grille à gros trous. Incorporer le poivre, les épices, le sel, le lambig, l’œuf, bref, tous les ingrédients, et bien mélanger le tout [ à la main, c'est mieux].

Verser le mélange dans des terrines (type bocaux Le Parfait) et bien tasser pour chasser l'air au maximum.

Placer les terrines au cuit-vapeur et les stériliser deux heures.

Attendre, avant de déguster cette petite merveille parfumée et onctueuse, deux à trois semaines, le temps aux pommes et aux épices de diffuser doucement.

Ces terrines se prêtent à toutes les fantaisies : sur des toasts à l’apéritif, en casse-croûte avec un joli pain au levain, avec des pommes de terre vapeur…

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