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GOUEZOU
14 septembre 2018

Mille-feuilles au citron intense, aux baies sauvages et aux fleurs sur la table de Mélanie Rouat

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« Vers le début de ce siècle, l'éminente et millénaire supériorité de la cuisine française fut menacée par deux fléaux : le snobisme de la cuisine anonyme et cosmopolite qui sévissait dans tous les palaces et caravansérails de l'univers, et le goût suranné de cette cuisine compliquée et tarabiscotée qui tendait à dissimuler les saveurs et les arômes et à présenter sous des noms bizarres et prétentieux des plats où la chimie se mêle à la prestidigitation.» (Curnonsky, Prince des Gastronomes)

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Si une heureuse anachronie avait permis à Victor Hugo de s’attabler chez Mélanie, il lui aurait sûrement dédié avec émotion ces quelques mots “Cette cuisine est un monde dont la cheminée est le soleil.” (Le Rhin). Mais c’est Curnonsky, poète de l’assiette et esthète du goût, qui orienta le soleil sur cette table magnifique de simplicité friande et de bon sens gourmand: «En cuisine comme dans tous les autres arts, la simplicité est le signe de la perfection.» C’est ce qu’il avait trouvé chez Mélanie à l’embouchure du Belon.
Née entre terre et mer à Riec-sur-Belon en 1877, Mélanie grandit au sein de la ferme familiale et c’est auprès des femmes de sa famille, mère et grand-mère –des valeurs sûres-, qu’elle hérite et s’imprègne du patrimoine culinaire paysan de la fin du XIXème siècle cornouaillais : le lait, le beurre demi-sel, le porc, le blé noir, l’avoine, les pommes… Lorsqu’elle convole avec Louis Rouat, elle quitte le giron familial de la ferme et devient paysanne de la mer, cultivant d’autres fruits, iodés et savoureux. Jeune mariée, elle est en effet employée dans la toute jeune exploitation ostréicole, le Château de Belon, dont les huitrières sont parmi les plus vieilles du monde. Ces huîtres sont un produit d’exception: elles sont plus rondes et moins épaisses que les huîtres creuses communément répandues aujourd’hui ; leur saveur délicate, qu’on doit au mélange d’eau douce riche en fer et d’eau salée de la rivière de Bélon, leur donne ce goût mi noisette, mi palourde qui encore aujourd’hui fait sa renommée mondiale. En 1864, ce goût si particulier, apprécié jusqu’à Paris, avait donné à Auguste de Solminihac, propriétaire du Château de Belon, conseillé par le chercheur Vincent Coste, l’idée de créer la toute première exploitation ostréicole : les huîtres ne seraient pas seulement pêchées, mais élevées. Mélanie travaille dur et apprend vite ; elle a aussi de l’ambition. En 1904, elle ouvre dans le centre bourg de Riec-sur-Belon une épicerie-mercerie puis se lance à son tour dans la production d’huîtres, exploitant des parcs au port du Belon, vendant ses huîtres en gros et au détail. Sa vie familiale s’étoffe également : elle donne naissance à une ribambelle d’enfants qui s’attable tous les jours avec un appétit croissant dans la cuisine familiale. Mais, dit-on, les histoires d’amour finissent mal en général : en 1913, Louis Rouat a le mauvais goût de décéder et de la laisser veuve à trente-six ans et avec six enfants. Mélanie sèche ses larmes, remonte ses manches et agrandit son « café-épicerie-mercerie-graines». La vie suit son cours, cahin-caha, jusqu’à ce jour de 1922 où une troupe de comédiens -de la Comédie Française s'il vous plaît et dont Cécile Sorel- de passage et affamée frappe à sa porte, désespérant trouver une table accueillante pour se sustenter. Il y a peu d’auberges sur le littoral finistérien dans les années vingt. Accueillante et généreuse, Mélanie improvise un repas avec les moyens du bord -une belle omelette et des huîtres bien sûr- et réitère quelques jours plus tard, mettant alors les petits plats gourmands dans les grands: huîtres, palourdes homard á la crème, poulet, pommes fondantes au beurre, crème au chocolat et gâteau breton se succèdent sur la table dressée très simplement.

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La compagnie se régale, fait honneur au festin et s’esbaudit. Les compliments fusent, dithyrambiques : on crie au génie culinaire, à la perfection des cuissons, des produits, des alliances ! On encourage Mélanie à se lancer dans la restauration, on l’assure qu’on en alertera ces messieurs-dames de Paris… Ni une, ni deux –cette idée devait sans doute lui trotter dans la tête depuis un petit moment-, elle ouvre un restaurant dont la renommée court plus vite que le vent qui s’engouffre dans l’estuaire du petit fleuve côtier. Le Tout-Paris des années folles qui aime à prendre l’air du large en Finistère s’entiche de cette cuisine authentique et de cette bonne femme d’exception. Le succès s’ancrant, Mélanie entreprend des travaux, achète la maison mitoyenne, y aménage une nouvelle salle de restauration au rez-de-chaussée et des chambres d’hôtel à l’étage, fait construire la salle dite « du jardin » qui peut accueillir jusqu’à cent couverts, installe des tables et chaises en extérieur, crée un agréable jardin fleuri. Artiste culinaire, Mélanie est aussi une redoutable femme d’affaire qui a du flair : elle fait la connaissance du « Prince des Gastronomes », le célèbre journaliste et critique gastronomique Curnonsky dont elle se fera un ami pour la vie, accueille des artistes comme Colette et Cocteau, Marlène Dietrich ou Charles Vanel, Raimu ou Fernandel, des hommes politiques comme Coty et Auriol ou plus tard Pompidou, attablés au beau milieu des toiles de Gauguin, Sérusier, Maxime Maufra, Maurice Denis, Géricault, Emile Bernard…

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Attirés par cette lumière et la chaleur de l’accueil, les touristes affluent. Mélanie sait aussi s’entourer, notamment de ses enfants dans une perspective clairvoyante de transmission des valeurs et du patrimoine qu’elle a reçus et de ceux qu’elle a bâtis : un de ses fils et ses filles travaillent en salle et en cuisine, un de ses fils s’occupe des parcs à huîtres… Sa fille Marie qui prendra la suite obtiendra deux étoiles au Michelin, les chiens ne faisant pas des chats (ou comme disent nos amis britanniques: apple does not fall far from the tree)… Cette « cuisine de chez nous… une cuisine comme la faisaient ma mère et ma grand-mère » qui sert sans chichi homard à la crème et palourdes de Belon grillées aussi bien que gâteaux bretons et flans d’avoine, fut également un havre bienveillant qui hébergea par exemple l’ami Curnonsky pendant la période sombre de la seconde guerre mondiale. Il y fêtera même son quatre-vingt unième anniversaire en octobre 1953 et ce soir là écrira son ode devenue célèbre : "La cuisine, c´est quand les choses ont le goût de ce quelles sont". Comme une étoile, Mélanie meurt en scène, dans son restaurant, en 1955, à 77 ans. Aujourd’hui fermée, un temps oubliée, l’auberge de Mélanie accueille désormais d’autres nourritures et sustente désormais les esprits en tant que médiathèque de la petite ville ostréicole de Riec-sur-Belon.

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Convoquer l’esprit de Mélanie, partager en bonne compagnie une pâtisserie gourmande, impertinente et joyeuse : mille-feuilles pur beurre et caramélisé, à la crème de citron intense et aux baies et fleurs du jardin, myrtilles, mûres et sauge ananas.

 

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Pour 4 mille-feuilles très gourmands:

Pâte feuilletée maison pur beurre demi-sel

Une barquette de baies noires et violette fraîches: myrtilles, mûres, cassis…  

Quelques fleurs de sauge ananas violette (ou encore des pensées violette, des fleurs de bourrache…)

Pour les citrons confits maison :

Un citron jaune bio

250 gr d’eau

125 gr de sucre en poudre.

Pour la crème de citron intense :

150 gr d’œufs du poulailler

160 gr de sucre

Un zeste de citron jaune

100 gr de jus de citron jaune

200g de beurre demi-sel

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La veille :

Commencer par le citron confit dont on ne servira que partiellement (bien d’autres utilisations seront possibles : dans un cake au citron, dans une tarte, une crème galcée…): retirer les deux extrémités du citron avec un couteau avant de le couper en quatre quartiers. Les blanchir trois fois pendant deux minutes (les plonger chaque fois dans de l’eau froide) pour ôter l’amertume de la peau blanche (le ziste).  Préparer un sirop en portant à ébullition l’eau et le sucre. Ajouter les quartiers de citron et les laisser cuire à très feu doux et à couvert pour garder le moelleux pendant deux heures. Les placer avec leur sirop dans un bocal qu’on placera au réfrigérateur.

Poursuivre avec la crème de citron : dans un cul de poule, placer le sucre, les zestes de citron, les œufs et le jus de citron. Faire épaissir au bain-marie en remuant au fouet sans arrêt et stopper la cuisson lorsque le mélange a épaissi. Laisser refroidir un peu avant d’ajouter le beurre en lissant au fouet. Mixer ensuite au mixer plongeant pendant une bonne dizaine de minutes, ce qui a pour effet d’obtenir une crème très soyeuse (les molécules de matière grasse vont éclater). Verser lors la crème tiède dans un sachet (type sachet de congélation)-ou alors une poche à douille-, bien vider l’air avant de le fermer et le placer au réfrigérateur jusqu’à refroidissement complet et jusqu’au montage des mille-feuilles.

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Le jour J :

Préchauffer le four sur 180°, chaleur tournante.

Abaisser la pâte feuilletée au rouleau. A l’aide d’un emporte-pièce –ou au couteau pour les plus habiles dont je ne fais résolument pas partie-, découper trois disques (ou carrés ou rectangles) par mille-feuilles. Les disposer sur une plaque à pâtisserie recouverte d’un papier cuisson. Saupoudrer les disques de pâte de sucre semoule, placer une autre feuille de cuisson sur les disques puis une autre plaque et enfourner pour une quinzaine de minutes. On cherche à cuire la pâte qui va caraméliser avec le sucre. La pâte cuite sera à la fois croustillante et craquante de caramel. Débarrasser les disques de pâte cuite sur une grille et laisser complètement refroidir.

Pour le dressage, sortir les citrons confits du réfrigérateur ainsi que la crème au citron. Laver et bien sécher les fruits. Couper deux morceaux de citron confit bien égoutté en petits dés. Disposer sur un plat de service ou des assiettes à dessert quatre disques de pâte feuilleté, à l’aide du sachet de crème au citron (dont on aura découpé un angle) recouvrir chaque disque d’une couche uniforme de crème, disposer des fruits (myrtilles et mûres) et quelques dés de citron confit, poser un nouveau disque de pâte et renouveler l’opération avant de terminer par un troisième et dernier disque. Pour l’esthétique, on peut saupoudrer chaque mille-feuilles de sucre glace et disposer les derniers fruits, quelques dés de citron confit et les fleurs violette.

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Savourer ce dessert très citronné, croustillant, craquant, moelleux, soyeux, acidulé, parfumé. Bref, parfait !

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