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GOUEZOU
22 novembre 2018

Comment s'est formé le lac du Drennec et des légumes d'automne rôtis en gelée

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Lieu de balades dominicales postprandiales, le lac du Drennec attire aujourd’hui les amoureux de la nature qui y cohabitent au gré des saisons, sur sa surface comme sur son pourtour. Pêcheurs de truites et marins d’eau douce, cavaliers et randonneurs, bâtisseurs de châteaux de sable et cueilleurs de champignons s’y côtoient donc dans un environnement préservé d’un calme absolu que ne vient troubler l’été seulement le rire des enfants et l’envol maladroit des cormorans. Bref, il fait bon vivre et se ressourcer dans cet environnement bleu cobalt cerné par le vert intense de la forêt domaniale de Saint-Cadou qui flamboie à l’automne. Avec ses faux-airs de grand lac américain dans un paysage digne du Montana, mais en considérablement plus petit, le Drennec est alimenté par deux cours d’eau indissociables des monts d’Arrée et qui se rencontrent dans le secret du lac, le Mougau, petite rivière poissonneuse et pleine de vie, et l’Elorn, fleuve côtier qui, de cours d’eau nerveux et chahuté s’élargit et s’assagit en se jetant, languide, dans la rade de Brest. Il arrive assez souvent que les promeneurs d’automne s’émeuvent du niveau d’eau alarmant du lac, comme c’est le cas actuellement.

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Un printemps, un été puis un début d’automne chauds et secs, et il n’en faut pas plus pour que ce château d’eau du bout du monde tire la langue et donne inexorablement à voir des paysages lunaires : arbres fossilisés, routes oubliées et pignons des maisons d’autrefois plantés dans la vase et émergeant insensiblement de l’eau désormais boueuse. Si tout le monde sait qu’il s’agit d’un lac artificiel qui approvisionne en eau une partie du Finistère nord, dont Brest, Landerneau et Landivisiau, d’aucuns pensent que la vallée de ce réservoir d'une superficie de 110 hectares, a été mise en eau grâce à un barrage achevé en 1981 dont la retenue est équipée depuis 2009 de turbines hydro-électriques.

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Or, comme chacun sait, la vérité est ailleurs…

Il suffit en effet d’écouter les histoires véridiques de la très vieille Mayonne du Gouezou, qui sait tant de choses et en inventent bien plus encore, pour se rendre compte, qu’en effet, les choses sont beaucoup étranges qu’il n’y paraît et que ne le rendra jamais la page Wikipédia consacrée au lac du Drennec…

Car il était une fois, il y a très longtemps, au moulin de la vallée du Drennec, un meunier qui n’était ni gentil, ni agréable ni même bien aimable. Même lorsqu’il était enfant, il ne croyait en rien ni personne, il ricanait même des histoires que lui racontait sa bien vieille grand-mère qui pourtant ne manquait pas de talents pour maintenir en haleine petits et grands à la veillée auprès de l’âtre. Elle filait sa laine et tandis que tournait son rouet sa langue faisait courir un bestiaire merveilleux, vivre un petit peuple facétieux et se dérouler des aventures auxquelles on accordait foi, sans doute aucun. Sauf, le meunier renfrogné…

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Parmi toutes les histoires de korrigans et de fées, de dragons et de géants, la grand-mère du meunier lui avait bien souvent raconté que les bêtes parlaient la nuit de Noël, alors que sonnait la messe de minuit. Et puis, un sombre jour, usée par les années et les soucis causés par cette encombrante et décevante descendance, la vieille grand-mère avait rendu son dernier souffle. Mais ses nombreuses histoires continuaient de vivre dans d’autres bouches et séduisaient d’autres oreilles dans le hameau, couraient dans les landes et les rivières. Pour étouffer une bonne fois pour toutes ces billevesées et ces calembredaines, le meunier –qui était aussi un épouvantable mécréant- annonça le soir du 24 décembre de cette année-là qu’il ne se rendrait pas à la messe de minuit, ayant plus important à faire. Sa femme soupira, chaussa ses plus jolis sabots, ajusta sa coiffe de fête, s’enveloppa dans son plus beau châle brodé et prit seule en compagnie des voisins du hameau le chemin du bourg en direction de l’église de Sizun.

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Quand tout le monde fut parti, le meunier, qui avait une idée derrière la tête, se glissa un peu avant minuit dans l’étable, jeta le fiss-koan, une poignée de fourrage, dans les râteliers comme le voulait la tradition, puis se dissimula sous quelques bottes de paille qu’il avait aménagées à dessein dans la journée. Une fois installé, le plus confortablement et silencieusement possible au creux de la paille fraîche, il prit son mal en patience et attendit, bien décidé à tirer au clair les racontars de sa vieille grand-mère et à battre en brèche ces croyances d’un autre âge. Il se trouvait finalement si bien dans la douce chaleur de l’étable que sa tête finit par dodeliner et son esprit à somnoler.

Tout était bien silencieux dans cette nuit d’hiver, les bêtes semblaient dormir, le calme et la sérénité habituels régnaient. Au loin, les cloches de minuit de Saint-Cadou, ainsi que celles de Sizun et de Commana sonnèrent dans l’air ouaté par le froid et la brume.

Au fond de l’étable, un léger bêlement, très audible, formula une douce complainte:

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- Quel mauvais maître nous avons ! Pensez, depuis sept années que je suis à son service, il m’a volé sept habits et sept agneaux ! Il n’y aucun doute, j’ai bien reconnu ma laine sur son dos ! J’ai entendu les bêlements de détresse de mes sept petits emportés au loin ! Je regrette le temps où sa vieille grand-mère venait caresser mes agneaux ! Ah ! si j’avais des cornes !

- Ne m’en parlez pas ! miaula le chat qui s’était assoupi dans le foin à côté de la brebis. Et moi, j’en suis réduit à traquer des souris et ratons ! Il est encore heureux que j’en trouve au beau milieu des sacs de blé et de farine du moulin ! Ce maître ne me donne jamais rien à me mettre sous la dent ! Sa grand-mère autrefois avait toujours un petit morceau de lard pour moi ! Ah ! si je pouvais utiliser mes griffes !

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- Et moi ! caqueta le petit coq noir. Je réveille ce fainéant tous les matins puisqu’il refuse de faire réparer la vieille horloge de sa si gentille grand-mère ! Et croyez-vous qu’il m’en sache gré ? Que nenni ! Il me jette des cailloux sous prétexte que j’amène mes poules au potager où nous ne faisons aucun dégât, foi de coq matinal ! Et lorsque nous rentrons, nos œufs ont disparu du poulailler ! Ce meunier est un ingrat et un voleur ! Ah ! Que je regrette sa vieille grand-mère si bonne qui nous donnait du grain ! Ah ! Si j’avais le bec et les serres de l’épervier !

- Et encore, ce n’est rien du tout ! hennit le bidet. Vous, vous êtes libre de vos allée et venues dans le hameau, autour du moulin ! Moi, je ne connais que le fouet, les brancards et la charrette si lourde. Je la tire par monts et par vaux, du soir au matin, toujours trop lourdement chargée ! Ah ! si je pouvais ruer et l’expédier dans la rivière !

- C’est vraiment démoralisant de servir un tel tyran au cœur de pierre ! meugla la petite vache Bretonne pie noir. Moi aussi il me vole mes enfants tous les ans ! J’entends mes petits veaux pleurer jusqu’à l’horizon lorsqu’il les emmène au milieu du printemps ! Et il a de plus le culot de voler mon lait crémeux que je destinais à mes chers enfants ! Ah ! si je pouvais l’encorner !

- Consolez-vous ! Réjouissez-vous ! meuglèrent doucement et de concert les deux bœufs du fond de l’étable auxquels le meunier avait volé il y bien longtemps et cruellement la virilité. Notre peine touche à sa fin : nous aurons bientôt une nouvelle maîtresse et nous déménagerons dans le plus joli hameau des monts d’Arrée, au Gouezou. Avant huit jours, nous porterons ce mauvais maître en terre!

Et les bêtes de l’étable de bêler, de miauler, de caqueter, de hennir et de meugler d’espoir ! ce qui fit sursauter le meunier, toujours caché dans le foin. Le silence retomba sur l’étable.

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Le meunier se frotta les yeux, troublé, se demandant s’il avait bel et bien entendu cette étrange conversation, cette litanie de complaintes, ce procès à charge et cette condamnation… ou s’il avait rêvé…

Contrarié et troublé, il quitta l’étable sur la pointe des pieds et gagna le moulin, de fort méchante humeur. Il raviva le foyer en jetant rageusement la grosse bûche de Noël dans la cheminée, s’assit sur un banc au coin de l’âtre et se mit à ruminer sombrement son malaise. Déjà, les habitants du hameau revenaient de la messe de minuit et s’apprêtaient à réveillonner gaiment dans le moulin. Tout le monde, sauf le meunier, qui dit à sa femme au moment de souffler la chandelle et de gagner le lit-clos : « J’irai vendre nos deux bœufs très bientôt au marché de Sizun. Et demain, Noël ou pas, j’ai à faire au moulin, je me lèverai tôt. »

Mais le surlendemain, le bidet dûment harnaché, la tête surmontée d’un toupet de plume noire, monta lentement la route menant au bourg de Sizun, avec dans son sillage une poignée de gens, têtes nues, tout de noir vêtus, alors que sonnait le glas lugubre à Saint-Cadou, à Sizun et à Commana. C’était le convoi funèbre du meunier, qui, le jour de Noël, en ouvrant les vannes avant l’aube, était tombé dans l’étang et s’y était noyé.

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Personne n’avait réussi à refermer ces vannes et la vallée se noyait inéluctablement, envahie par les eaux du Mougaut et de l’Elorn. Un autre convoi, tiré par les bœufs, amena au Gouezou, dans une masure désertée, ce que la veuve du meunier avait pu sauver : quelques meubles, de la vaisselle, l’horloge de la grand-mère, une brebis, un chat, un coq et ses poules et une petite vache pie noir. Au fond des prunelles de ces derniers -et d'ailleurs au fond des prunelles de la jeune veuve aussi-, des étincelles de soulagement et d’espoir : la suite de leur vie fut longue, belle et paisible. Au loin, le lac du Drennec tout neuf, miroitait. Désormais, lorsque certaines année, l’eau vient à manquer, on aperçoit les murs du vieux moulin maudit, déserté, planté dans la vase. Foi de souris, voilà mon conte végan fini !

Une petite assiette légumière pour fêter la sérénité retrouvée et fêter le Noël des animaux du meunier: légumes d'automne rôtis en gelée de pioka et ketchup maison aux épices douces.

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Pour une dizaine de bêtes, de marins d’eau douce, d’enfants, de randonneurs et de pêcheurs :

Un petit potimarron (ou un demi potimarron)

Une petite courge butternut (ou une demi courge)

2 oignons rosés de Roscoff

Un petite boule de céleri-rave (ou une demie boule)

2 carottes (de préférence des carottes colorées: blanches, violettes, etc.)

2 gousses d’ail rose de Lautrec

Un petit bouquet de persil plat et d’aromatiques fraîches du jardin (romarin, sauge, thym)

Huile d’olive

Poivre noir du moulin

Sel de Guérande

Un litre de bouillon de légumes maison

Pioka (ou 10 gr d’agar-agar par litre de liquide)

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Peler et laver les légumes (y compris les oignons). Les détailler en petits dés (d’environ deux centimètres de côté : à la louche, hein ! inutile de sortir un double décimètre) dans une jatte. Ajouter alors les gousses d’ail pelées et écrasées, du sel, du poivre fraîchement moulu et les herbes aromatiques très finement ciselées (sauf le persil). Arroser d’huile d’olive et enfourner à température moyenne (160°) et laisser rôtir doucement pendant une quarantaine de minutes.

Au bout de ce temps, ajouter le jus rendu (s’il y en a) au bouillon, faire chauffer le tout dans une petite casserole, ajouter alors la pioka, laisser cuire quelques minutes et filtrer. Pour l’agar-agar, ajouter la poudre dans le jus, bien mélanger et laisser cuire doucement deux minutes. Ajouter alors les légumes rôtis dans le bouillon ainsi que le persil finement émincé. Mélanger et répartir le mélange dans des petits moules en silicone (type moules à muffins) ou dans des verrines. Laisser refroidir puis réfrigérer quelques heures (idéalement une nuit).

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Ces petits flans peuvent être démoulés sur une assiette, servis avec un ketchup maison de tomates vertes aux épices douces, accompagnés ou non d’une quenelle de fromage de chèvre frais et de salade.

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