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GOUEZOU
9 janvier 2019

Le tour du monde du petit bonhomme, sa bonne fortune, son Grand Amour, et une carbonade de boeuf au cidre et au pain d'épices

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« La simplicité vient du cœur, la naïveté de l'esprit. Un homme simple est presque toujours un bon homme, un homme naïf peut être un fripon; et pourtant la naïveté est toujours naturelle, tandis que la simplicité peut être l'effet de l'art. » (Chateaubriand)

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Il était une fois, il y avait une fois –laissez-moi réfléchir…-, il y a vraiment bien bien longtemps, bien plus longtemps que ça au fond quand j’y songe, un petit bonhomme qui habitait une masure branlante dans les landes de l’Arrée battues par les vents. Il semblait né de la poussière comme les souris qui peuplaient son logis : on ne lui connaissait ni père ni mère, ni sœur ni frère, et il n’était, de l’avis de tout l’Arrée, pas bien malin, un peu idiot, un peu crétin. Il se murmurait dans les hameaux environnants–mais les gens sont parfois bien peu charitables- qu’il n’avait inventé ni le fil à couper le beurre, ni l’eau tiède et qu’il était bête à manger du foin… Il louait ses maigres bras dans les montagnes et tous profitaient sans vergogne de son dur labeur. Il gardait les moutons d’un riche fermier de Botmeur un jour, il fauchait les blés d’un propriétaire cossu de Sizun un autre jour, il portait les sacs de grains et de farine d’un meunier paresseux de Saint-Cadou également. Bref, il faisait ainsi partie du paysage, aidait partout, n’était respecté par personne. Il en conçut quelque amertume, ce qu’on comprendra bien, et, lassé, décida un beau jour de courir le vaste monde sinon pour s’enrichir, du moins pour découvrir l’ailleurs et en apprendre beaucoup. Il souhaitait très simplement exister enfin aux yeux des habitants de l’Arrée.

Ce matin-là, bien avant que le Diable ait mis sa culotte, le petit bonhomme ferma soigneusement sa vieille porte à claire-voie et emprunta résolument la route qui descend en pente douce de l’Arrée vers le nord, en direction de Pleyber-Christ. Il avait les mains dans ses poches crevées, une chemise soigneusement rapiécée, des sabots usés. Tournant le dos au massif austère de l’Arrée, sans un regard dans le rétroviseur –c’est une image-, il chemina dans une immense quiétude. Au cœur du bocage verdoyant que commençait à roussir la fin de l’été, il ramassa une poignée d’épis de froment tombés en bordure du chemin, échappés d’une gerbe mal liée. Il allait la démarche assurée, le cœur léger comme une bulle, le sourire aux lèvres et l’âme libre, sifflotant et chantonnant, offrant sa bouille ronde au soleil et son sourire généreux à la brise, respirant avec bonheur le parfum vanillé des ajoncs. Ce jour-là, dans l’Arrée, personne ne se rendit compte de son départ et sa présence ne manqua à personne…

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Le premier soir, après le coucher du soleil, il se présente à la porte d’une ferme qui lui sembla immense, maison du maître, écurie, étable, soue et poulailler entourée de hauts murs de pierre de taille anthracite. Il s’adressa à la fermière, qui plumait une volaille dans la cour :

-M’offrirez-vous le gîte et le couvert ? Je peux aider à traire vos vaches !

-C’est entendu ! Lorsque que tu auras terminé, tu entreras et tu t’assiéras pour partager notre souper.

-Je peux garder mes glanes aussi ?

-Mais bien entendu, tes glanes aussi ! Mets- les dans le poulailler en attendant.

Ainsi fut fait : le petit bonhomme aida à la traite avec une efficacité que salua la fermière, soupa avec appétit, puis se coucha discrètement et s’endormit paisiblement.

Le lendemain matin, après avoir bu une écuelle de lait frais dans laquelle il trempa quelques crêpes de blé noir sèches, il entra dans le poulailler pour récupérer ses épis. Force lui fut de constater qu’il n’en restait plus, les poules ayant mangé tout le grain. « Qu’importe, songea-t-il. Je vais emporter une poule à la place ! » La fermière acquiesça dans un sourire.

Et il prit une poule et se remit en route avec elle, marchant vers l’est en direction de Daoulas.

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Le soir venu, il se présenta dans une autre ferme cossue pour demander à loger. Il s’adressa à la fermière qui fabriquait de bien jolies saucisses et réalisait des pâtés gourmands  avec un des porcs de l’année qu’on avait occis la veille.

- M’offrirez-vous le gîte et le couvert ? Je peux aider à traire vos vaches !

- C’est entendu ! Lorsque que tu auras terminé, tu entreras et tu t’assiéras pour partager notre souper.

- Je peux garder ma poule aussi ?

- Mais bien entendu, ta poule aussi ! Mets-la dans la soue avec les cochons.

Le petit bonhomme déposa  sa poule dans la soue avec les cochons, s’en revint après la traite des vaches très soigneusement et rapidement réalisée, soupa, se coucha et dormit bien.

Le lendemain matin, quand il alla chercher sa poule, pour se remettre en route, il se rendit compte que les cochons l’avaient dévorée.  « C’est égal, songea-t-il, je vais emmener un cochon ! » La fermière acquiesça dans un sourire.

Et il se remit en route avec son cochon, en direction du sud, vers Pleyben.

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Le soir, il se présenta à la porte d’une troisième ferme, encore plus grande et riche que les deux précédentes. Il s’adressa à la fermière qui barattait un beurre soyeux couleur jonquille :

-M’offrirez-vous le gîte et le couvert ? Je peux aider à traire vos vaches !

-C’est entendu ! Lorsque que tu auras terminé, tu entreras et tu t’assiéras pour partager notre souper.

-Je peux garder mon cochon aussi ?

-Mais bien entendu, ton cochon aussi ! Mets le dans l’écurie en attendant.

Le petit bonhomme conduisit son cochon à l’écurie, puis il revint à la ferme après avoir trait les vaches avec une célérité qui enchanta la compagnie, soupa, se coucha et dormit bien.

Le lendemain matin, il alla chercher son cochon à l’écurie, pour se remettre en route. Les chevaux l’avaient tué et la fermière s’apprêtait à le transformer en lard, en andouilles et en rôtis. « C’est égal, songea-t-il, je vais emmener un cheval. » La fermière acquiesça dans un sourire.

Et il prit un cheval et se remit en route vers l’est, en direction de Carhaix.

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Le soir, il se présenta à la porte d’une autre ferme, qui lui sembla plus riche, plus grande et belle qu’un manoir. Il s’adressa à la fermière qui tournait ses crêpes sur une tuile dans l’âtre :

-M’offrirez-vous le gîte et le couvert ? Je peux aider à traire vos vaches !

-C’est entendu ! Lorsque que tu auras terminé, tu entreras et tu t’assiéras pour partager notre souper.

-Je peux garder mon cheval aussi ?

-Mais bien entendu, ton cheval aussi! Mets-le dans l’étable en attendant.

Le petit bonhomme conduisit son cheval à l’étable auprès des vaches Bretonne pie noir, puis, après avoir trait les vaches avec une efficacité qui laissa sans voix les fermiers, il revint à la ferme, soupa, se coucha et dormit bien.

Au petit matin, il s’étira dans la paille fraîche, se leva, salua les fermiers et s’en vint chercher son cheval dans l’étable.

Le fermier avait conduit ses vaches au pâturage dès le petit jour et n’avait laissé que le solide bidet du petit bonhomme. Ce dernier fut soulagé de constater que l’animal se portait comme un charme, le ventre bien rond d’avoir englouti du foin parfumé, l’œil brillant et le jarret solide, prêt à arpenter les routes. La journée s’annonçait belle et heureuse, placée sous les meilleures auspices.

Il lui semblait avoir fait le tour de son monde, avoir fait mille rencontres et fortune : ses montagnes commençaient à lui manquer. Oui, sa décision était prise, il allait réintégrer ses pénates aujourd’hui ! La face du petit bonhomme se fendit d’un large sourire. La fermière lui remit pour la route du lait frais et des crêpes de froment de la veille et lui souhaita bonne route.

Enfourchant son destrier dodu, il chemina sur les pentes douces de la montagne usée en direction de son logis, traversant les forêts en chantant, buvant avec son bidet l’eau fraîche des rivières, longeant les pâtures des moutons et des bergers qu’il saluait, sifflant avec les oiseaux de l’Arrée. Non loin de Nestavel,  alors que les cloches des paroisses de Saint-Michel de Brasparts, Botmeur et Brennilis n’avaient pas encore sonné l’angélus de midi, il aperçut une silhouette gracieuse mais lourdement chargée au bout du chemin. Il s’agissait d’une petite bonne femme qui devait aller, ce jour-là, faire cuire le pain de la semaine au four banal. Elle avait ajusté sa coiffe, ses sabots puis l’anse de son lourd panier au creux de son bras et pris courageusement la route. Monté sur son cheval, le petit bonhomme la doubla, ralentit : «Puisque j’ai tout mon temps, je peux vous déposer au four, attendre la cuisson du pain avec vous et vous ramener à la ferme ! Je prendrai la route après ! » lui proposa-t-il car il avait le cœur léger et qu’il était profondément gentil et serviable. La petite bonne femme le remercia d’un gigantesque sourire, se hissa sur le bidet qui reprit sa marche tranquille au long du sentier. Arrivés au four qui chauffait depuis le petit jour, la petite bonne femme enfourna les lourds pâtons aidée par le petit bonhomme qui replaça la grande ardoise pour fermer le foyer. Le bidet, libéré, entrepris de brouter très consciencieusement alors que les deux cavaliers s’installaient dans l’herbe fraîche. Le petit bonhomme partagea avec la petite bonne femme le lait frais et les crêpes que la fermière lui avait offerts et ils devisèrent alors que le pain gonflait, cuisait et dorait dans le secret du four. Le petit bonhomme narra alors à l’oreille attentive de cette compagne inopinée sa vie dans l’Arrée, son périple autour du monde et ses doux rêves de bonheur tranquille. La petite bonne femme lui raconta alors par le menu sa vie de petite fée des montagnes d’Arrée–car évidemment, c’était une fée ! vous l’avez vu venir, hein ?- ses secrets de cuisinière et ses spécialités de sortilèges. Papotage et bavardage aidant, ils se découvrirent mille points communs et  décidèrent alors d’unir leurs destins… Rarement au monde coup de foudre fut aussi rondement mené.

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Lorsque que le pain fut cuit, le petit bonhomme ôta l’ardoise devant le foyer, la petite bonne femme se saisit de la longue pelle de châtaigner pour sortir les énormes miches brûlantes et puissamment parfumées, et ils reprirent la route en direction de la masure du petit bonhomme… L’après-midi touchait à sa fin et déjà le couchant faisait flamboyant le ciel et la montagne.

Le petit bonhomme ne reconnut pas tout de suite sa vieille maison branlante car, pour tout dire, elle avait bien changé. Les habitants de l’Arrée avaient bien vite pris la mesure de l’absence du petit bonhomme –quelque fées malicieuses facilitèrent sans doute grandement cette prise de conscience par l’emploi de sorts cuisants- et durant cette si longue absence –quatre journées et autant de nuits quand même !- tous les bras des habitants des montagnes, toutes les compétences des femmes et des hommes, avaient été mobilisés pour favoriser le retour de celui qui manquait tant à tous. On avait donc consolidé la masure, meublé et joliment décoré l’intérieur, garni la huche, le coffre à grains et le beurrier de grès de mille gourmandises. Les amoureux furent ovationnés à leur arrivée et leurs noces immédiatement célébrées ! Sur les longues tables dressées, recouvertes de nappes de lin brodées, on déposa le pain encore chaud ainsi que des grands plats de carbonade brûlante de bœuf de Saint-Rivoal au cidre, aux pommes et au pain d’épices. Le bidet, devenu symbole de richesse alors qu’il n’en demandait pas tant, s’installa sans façons dans l’écurie toute neuve et les amoureux, après avoir honoré le festin, inaugurèrent avec l’énergie de la passion le lit-clos étincelant de tous ses clous de cuivre –on ne donnera aucun détail de cette explosive lune de miel mais bien des rumeurs courent encore à ce sujet dans les landes-. A l’avenir, tout le monde respecta le petit bonhomme simple qui avait fait le tour du monde puis fortune et trouvé le Grand Amour.

« Les enfants et les esprits faibles demandent si le conte est vrai. Les esprits sains examinent s'il est moral, s'il est naïf, s'il se fait croire. » (Joseph Joubert, 1799) Donc, on en pensera ce qu’on voudra.

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Pour un petit bonhomme, une petite bonne femme et tout plein d’amis:

1kg de jarret de bœuf sans os de Saint-Rivoal (Black Angus ou Highland Cattle)

500 gr d’oignons rosés de Roscoff

Deux belles carottes de sable

30g de beurre de baratte demi-sel

200 gr de pommes coupées en cubes (sans le trognon, avec la peau)

Une bouteille de bon cidre artisanal bio

1 cuillerée à café de miel

1 cuillerée à soupe bombée de farine

Un bâton de cannelle

Un éclat de badiane

4 tranches de pain d'épices maison au miel de blé noir

4 cuillères à café de moutarde à l’ancienne

Sel de Guérande

Poivre du moulin

Et pour accompagner cette roborative gourmandise, des courges butternut rôties.

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Couper la viande en morceaux en prenant soin d'enlever l'excès de gras.

Dans une cocotte, faire sauter la viande dans une cuillerée à soupe d'huile sur feu modéré. L’objectif ici n’est  pas de cuire la viande, mais juste de la saisir et de la caraméliser un tout petit peu.

Ôter la viande de la cocotte, puis y laisser fondre le beurre.

Ajouter les oignons coupés grossièrement  en lamelles ainsi que les carottes pelées, lavées et coupées en dés. Les laisser suer en les remuant de temps en temps jusqu'à ce qu'ils blondissent. Ajouter à ce moment le miel, la cannelle, la badiane, le sel et le poivre.

Quand l'eau de végétation s'est évaporée et que les oignons ont gentiment compoté, ajouter les pommes lavées, épépinées, coupées en cubes, puis le viande et son jus.

Ajouter une cuillerée à soupe de farine sur la viande, puis bien mélanger.

Mouiller à hauteur avec le cidre.

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En ce qui concerne le pain d’épices, il est bien meilleur fait maison : http://gouezou.canalblog.com/archives/2013/08/27/27905264.html c’est évident!

Ecroûter (ou pas) les quatre tranches de pain d’épices et les tartiner de moutarde.

Ajouter les tranches dans la cocotte sur la viande, à plat en surface. Au bout de quelques minutes, le pain d'épices va se désagréger.

Porter le tout à ébullition. Baisser la température pour maintenir une légère ébullition. Fermer avec le couvercle et laisser mijoter 2h30 à 3h si on prépare le plat la veille, ce qui est préférable (car il y aura une deuxième cuisson) ou alors 3h30 ou 4h pour profiter de ce plat roboratif le jour même. Oter le couvercle durant la dernière demi-heure, ce qui va permettre de concentrer la sauce et ses parfums et va la rendre plus onctueuse.

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Si le plat a cuit 3 heures la veille: le lendemain, remettre sur feu doux pendant 1 heure (et sans couvercle pour la dernière demi-heure).

Dans tous les cas, il faut toujours remuer ce plat toutes les 20 ou 30 minutes!

Pendant la dernière heure de cuisson, faire rôtir au four des quartiers de courge butternut disposés sur une plaque à pâtisserie ou dans un grand plat, arrosés d’un filet d’huile d’olive et saupoudrés de fleur de sel de Guérande et de poivre noir fraîchement moulu (chaleur modérée, 160°, chaleur tournante pendant ¾ d’heure environ).

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