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GOUEZOU
12 mars 2019

Naïg Rozmor, Bretonne du monde en poésie; et des crevettes caramélisées aux épices douces et à la menthe bergamote

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Mais qu’est-ce que la poésie, cet étrange objet littéraire, savant ou populaire, déclamé ou murmuré, dit ou chanté ? C’est peut-être Naïg Rozmor qui en parle le mieux et en esquisse un portrait sensible, à la façon de Pour Faire le Portrait d’Un oiseau de Prévert : « La poésie, il faut la mettre en condition. Il faut l'encourager pour qu'elle s'ancre. Elle flotte dans l'univers, il y a une force mystérieuse qui anime tout ça. Elle vit en nous, autour de nous, alors on ouvre une lucarne, on la saisit. Il ne faut pas la laisser s'échapper sinon on ne retrouve plus sa route ».

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Tandis que le Printemps des Poètes fête ses vingt années de vers, de rimes et de mots libres autour de la Beauté –thème 2019-, on célèbre aussi les quatre ans de la disparition de la poétesse bretonnante Naïg Rozmor, décédée à quelques jours du printemps 2015, alors que le Printemps des Poètes fêtait l’Insurrection… C’est au bord de la mer sur la ceinture dorée que Anne Lebian voit le jour se lever en 1923 dans une famille modeste de Saint-Pol-de-Léon, résolument bretonnante et bienveillante. Lorsqu’elle rentre, à sept ans, dans une classe de l’école de la République, c’est le choc de la rencontre avec la langue française qui ne sera jamais pour elle qu’une belle langue mais seconde. Anne tient du roseau et face au français qui s’étend inexorablement, elle plie mais ne rompt pas : apprend le français et chérit le breton, dévore plus qu’elle ne lit, noircit une foule de pages plus qu’elle n’écrit. Et à onze ans, après avoir fait le tour des trois livres qu’abrite le toit parental -au nombre desquels La Vie des Saints dont lecture est scrupuleusement faite en famille tous les soirs-, elle met un point final à un premier roman, maladroit mais bourgeonnant de promesses.

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Elle poursuit un parcours scolaire secondaire brillant à Morlaix et se destine à la carrière d’enseignante quand les bruits de bottes viennent briser ses rêves. Dans le fracas de la seconde guerre mondiale, elle prépare par correspondance un diplôme de bibliothécaire. Alors que le monde enterre ses morts et sa mauvaise conscience, Anne épouse en 1947 un marin à pompon et la Royale –on n’a pas l’un sans l’autre-, quitte sa Bretagne pour suivre son mari au gré des affectations de l’après-guerre et de ses soubresauts, donne le jour à trois enfants avant de revenir à son port d’attache, Roscoff, en 1955. Elle y retrouve une société léonarde qui a bien changé et qui désormais tourne majoritairement le dos à la langue bretonne : elle ne peut que constater avec une considérable stupeur que les gens ont honte de parler breton... Les doigts d’Anne fourmillent toujours de cet impérieux désir d’écrire mais elle souhaite épanouir ses mots, ses rimes et ses vers en breton, langue qu’elle parle encore et toujours, dans laquelle elle chante et elle rêve, mais qu’elle n’a jamais écrite. Qu’à cela ne tienne ! Dans les années 70, elle suit les cours par correspondance de Visant Seité, devient animatrice radio pour l'ORTF qui deviendra bientôt FR3 Bretagne, au sein de l'émission « Le breton en radio », avant d’animer quelques temps après sa propre émission hebdomadaire dans laquelle elle raconte des histoires en breton pour un public adolescent. Elle se met donc tout naturellement à écrire ses contes –la matière ne manque en Léon!- puis à les publier dans Bleun Brug et Brud Nevez. Elle s’attelle à la traduction du Roman de Renart qu’elle assaisonne à la sauce bretonne : War roudou Alanig al louarn (Sur les traces d'Alanig le renard) vient de naître qui rencontre un joli succès. L’opiniâtre petite chenille Anne Lebian tisse alors sa chrysalide de laquelle ne tarde pas à sortir le papillon Naïg Rozmor, nom de plume (Naïg, pour Anne en breton, et Rozmor pour le nom de sa maison qui a, littéralement, une belle vue sur la mer) et déploie ses ailes dans le ciel assez dégagé de la littérature bretonne : elle y rejoint par exemple Anjela Duval qui y volette déjà.

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En 1977, elle publie son premier ouvrage : Karantez ha karantez (Amour et amour), un recueil de poésies en breton dont quelques poèmes érotiques qui mettront le rose aux joues et le rouge au front des prudes Léonards encore profondément catholiques. La surprise est donc aussi totale qu’embarrassante et pour tout dire franchement réjouissante! Sa plume s’affranchit donc, devient militante et résistante, comme une revanche sur le rouleau compresseur jacobin de la langue française, comme un pied de nez à la société de consommation qui lisse et dilue les cultures. « Un jour un linguiste m'a dit que je perdais mon temps à écrire en breton, que notre langue n'était plus compétitive puisqu’au XX siècle, nous n'avions même pas les mots nécessaires pour parler d'amour. C'était tellement vrai… que j'ai voulu relever le défi. » confie-t-elle à la presse locale, un petit sourire narquois aux lèvres. Car c’est bien un défi linguistique qu’elle aura aussi relevé, jouant avec cette langue qu’elle enroule sur des périphrases et des métaphores. On y voit d’ailleurs en filigrane l’influence de son travail de traduction en breton de l’œuvre d’un des plus grands poètes indiens, Rabindranath Tagore : « La lumière du soleil, de la lune et des étoiles brille d'un vif éclat: la Mélodie de l'amour monte toujours plus haut et le rythme du pur amour bat la mesure. » En 1995, elle offre à ses lecteurs un autre recueil de poésie, mais poursuit une œuvre résolument éclectique, ne s’interdisant rien et se jouant de tout : poésie, bien sûr, mais théâtre, histoires drôles et contes alors qu’elle s’érige en témoin et passeur de mémoire, arpentant sans relâche les écoles pour dire, sans nostalgie, un temps effacé des mémoires : celui d’une société de langue bretonne penchée sur la terre, la grève ou la mer. Ces réminiscences sépia, elle les scelle alors dans un ouvrage accompagné d'un CD, Lavar din, Mamm gozh (Raconte-moi, Grand-mère).

NAIG ROZMOR

Daouan va Zad

An dour a deu e va daoulagad

Pa zoñjan e daouarn va zad!

Daouarn eur houer, rouz ha fraillet

Evel an douar pa vez skarnilet

Gand avel pud an hanternoz.

Ledan ‘oant evel golvaziou

Digoret gand ar gwall labouriou

Med pa drohent deom or bara,

Evel re ar beleg d’ar gorreou,

Daouarn va zad a skuille grasou.

(Les mains de mon père

Les larmes me montent aux yeux

quand je pense aux mains de mon père

des mains de paysan,

rousses et crevassées,

comme la terre quand elle se fendille

Sous l’âpre vent du nord.

Elles étaient larges

comme des battoirs,

Déformées par les rudes labeurs

Mais quand elles nous coupaient le pain,

Comme celles du prêtre à l’offertoire,

Les mains de mon père

versaient des grâces.)

Cette œuvre protéiforme et infiniment libre, qui trouve ses publics ici et là, va attirer les lumières et les ors : en 1980, elle est lauréate du Grand prix des écrivains bretons avant de participer à la grande aventure de la troupe Strollad ar Vro Bagan. Puis, en 1984, elle est récompensée par le Prix de la Société des poètes et des écrivains de France avant de s’atteler, en 1997, à une œuvre conséquente : une anthologie mondiale de poésie, parue sous le titre Mondo Cane, en collaboration avec un poète polonais habitant à Lublin, Jerzy Wielunski. En 1998, on lui remet le Collier de l'Hermine, distinction remise aux personnes ayant œuvré pour la culture bretonne tandis que la ville de Roscoff lui décerne une médaille la même année. Elle s’éteint à la veille du printemps 2015 dans le brouillard inaudible de sa mémoire.

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«Vivre ailleurs m'a ouvert les yeux. Au contact des autres, des différentes cultures, j'ai beaucoup appris et je me suis rendu compte à quel point nous étions coincés» confia-t-elle à la presse locale alors qu’elle venait de souffler ses quatre-vingts printemps. Le Gouezou la rejoint sur ce point, c’est l’évidence même… Nul doute qu’elle aura goûté, outremer, des écritures gourmandes comme ces crevettes caramélisées aux épices douces et à la menthe bergamote…

Les fleurs de la menthe 'Bergamote' dégagent un agréable parfum d'agrume. Côté cuisine, les saveurs d’agrumes de cette jolie petite menthe la destinent plutôt à l’accompagnement de plats sucrés : Salades de fruits, pâtisseries, infusions avec du thé… Mais sa fraicheur se marie bien avec toutes sortes de plats, d’ici ou d’ailleurs, omelettes, sautés ou salades de légumes… La pharmacopée traditionnelle utilise ses vertus tonifiantes, antiseptiques et digestives. Elle est conseillée en infusion ou en consommation directe pour garantir un bon tonus et faciliter la digestion.

 

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Pour 2 poètes :

200g de crevettes type gambas (soit une quinzaine)

Une cuillère à café de curcuma

Deux belles gousses d’ail

Un morceau de gingembre frais

Une cuillère à soupe de sauce soja

3-4 sommités de menthe bergamote

Une cuillère à soupe de graines de sésame en mélange (noir, doré, blanc, etc.)

3 cuillères à soupe de sucre de canne complet

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Décortiquez les crevettes crues en gardant la queue. Piler au mortier l’ail et le gingembre pelés. Dans un bol, mélanger précautionneusement les crevettes, la sauce soja, la pâte d’ail et de gingembre, le curcuma. Réserver au frais.

Faites chauffer le sucre dans une poêle pour obtenir un caramel ambré. Egoutter les crevettes et les jeter sans ménagement dans le caramel brûlant. Laisser cuire quelques minutes sur feu vif (la cuisson est très rapide). Saupoudrer des graines de sésame.

Au moment de servir, ajoutez la menthe ciselée et servez avec du riz basmati cuit à la vapeur.

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