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GOUEZOU
10 décembre 2019

Amélie Le Gall ou Lisette de Quintin, deux faces d’une pièce cycliste et féministe, et un Paris-Brest gourmand!

AMELIE LE GALL 2

« Lisette est là ! » titre avec un enthousiasme singulier le Minneapolis Times le 25 août 1898.

LISETTE 1898

Dès ses débuts dans le monde, au XIXème, la « petite reine » a eu en France et ailleurs ses sujets zélés, ses tournois, ses champions et sa petite princesse, bretonne de surcroît, Lisette de Quintin, qui conquit la planète et fit sien le rêve américain.

En 1869, c’est une petite Marie Amélie qui naît au modeste foyer de Louis Le Gall, bûcheron et charpentier de son état, et de son épouse Marie, à Quintin, près de Saint-Brieuc dans les Côtes-du-Nord –c’est-à-dire les Côtes d’Armor d’aujourd’hui-.

C’est la petite dernière d’une large fratrie de cinq filles pour un seul garçon : une véritable malédiction pour ces époux impécunieux en cette fin de XIXème siècle. Le monde d’Amélie est dur et féminin mais elle ne le sait pas encore et grandit heureuse et sauvage dans la lande et le bocage en compagnie des korrigans, des poulpiks et des fées.

En 1882, pour des raisons sans aucun doute économiques, toute la famille quitte la Bretagne pour Puteaux, dans l'ouest parisien: c’est un déchirement pour l’adolescente de 13 ans qui doit désormais travailler tout le jour dans une usine sombre pour un salaire de misère. Mais ainsi va la vie, dure dans cette famille nombreuse de femmes qui ne peuvent aider le chef de famille dans son activité très masculine; les filles à marier coûtent cher en maigre dote, chaque sou compte et on ne se plaint pas.

AMELIE LE GALL

A 22 ans, Amélie, dont la santé s’est fragilisée à l’usine, est courtisée par un jeune Suisse passionné de vélocipède et de cyclotourisme, et qui lui fait enfourcher pour la première fois une bicyclette. L’objectif est purement sanitaire : lui faire recouvrer la santé par l’exercice physique au grand air. C’est la révélation: ces premiers coups de pédale en amoureux vont changer sa vie. La même année, s’élancent les premiers coureurs d’une course cycliste emblématique –mais réservée à la gente masculine-, la Paris-Brest-Paris, une course de mille deux cents kilomètres initiée en septembre 1891 par Pierre Giffard, journaliste du Petit-Journal et qui traverse de part en part la chère Bretagne d’Amélie: la presse écrite se fait l’écho avec enthousiasme de cette aventure sportive sur les routes de l’ouest. Amélie finit par convoler avec son amoureux suisse, le bel Emile Christinet aux jolies bacchantes, de vingt ans son aîné, ingénieur en électricité et qui deviendra en 1896 membre du Touring Club de France, association de vélocipédistes de loisir. On ne peut s’empêcher de noter un remarquable alignement des planètes : tout converge dans la vie d’Amélie vers la petite reine. Et la jeune femme se révèle formidablement douée : en 1893, elle sillonne la région et s’entraîne sans relâche sur des parcours de plus en plus longs, jusqu’à cent kilomètres, se trouvant au passage un nom de guerrière : Lisette de Quintin était née.

Car il ne fait pas bon être une femme cycliste dans cette société bourgeoise corsetée : dès 1888, le bon Docteur Tissié précisait dans L’Hygiène du Vélocipédiste –ouvrage remarquable de bêtise et de sexisme- que la bicyclette « expose la femme à des dangers d’ordre intime de la plus haute gravité et, détail horrible, elle les enlaidit ». Il n’en fallait pas plus aux milieux conservateurs et puritains qui s’acharnèrent à écarter les femmes de la machine symbole de force et de virilité, tentant de prévenir ce qu’ils nommaient très sérieusement « dérives masturbatoires » et autres perversités d’un nouveau genre. Plus encore, la bicyclette était accusée de provoquer le laisser-aller et le manque de savoir-vivre de celles qui « véloçaient ».

CABOURG AOUT 1894

Notre Amélie participe pendant l’été 1894 et sous son nom d’artiste du vélo à de nombreuses courses à Courbevoie, à Paris puis à Cabourg où elle finit deuxième derrière la fascinante Hélène Dutrieux -cycliste, motocycliste, coureuse automobile et aviatrice belge, rien que ça !-. Le 26 août, Lisette de Quintin entre dans la cour des grands en finissant huitième, à onze minutes du vainqueur d’une course masculine de cent kilomètres à Longchamp au Bois de Boulogne. Elle est sacrée Championne de France ! Rien ne l’arrêtera plus désormais : elle devient la coqueluche des vélodromes, remporte toutes les courses, brille particulièrement dans les compétitions de fond, jusqu’à attirer l’attention du sulfureux Choppy Warburton, brillant entraîneur anglais borderline mâtiné gourou dont on murmure qu’il préparait pour ses protégés de singuliers cocktails... Le manager britannique organise alors des courses à handicap contre ses poulains, le Gallois Jimmy Michael et le Français Albert Champion… que notre véloce bretonne remporte ! Rien n’arrête Amélie qui, en 1896, défie l’Anglaise Clara Grace lors des Six jours organisés sur la piste du Royal Aquarium à Londres, s’impose sur la course internationale féminine du Vélodrome d’Hiver et établit un nouveau record du monde de l’heure derrière entraîneur sur le vélodrome Buffalo à Paris avec 43,46 km. Pulvérisant au passage le record masculin. Et son physique étonne : du haut de ses 1,52 m et de ses petits 40 kg, Mademoiselle Lisette est décrite par la presse, notamment le Petit Parisien, comme toute petite –en effet-, solidement charpentée, dotée de jambes aussi robustes que celle des hommes et dégageant force et énergie…

Sur sa lancée, cette athlète singulière -épaulée par son complice et mentor de mari à la fois coach et confident- poursuit son irrésistible conquête du monde en franchissant l’Atlantique où des milliers de fans l’attendent avec ferveur alors qu’elle va y glaner très tranquillement tous les trophées. Souriante et affable, accessible au public américain qui l’adule, elle affronte de bonne grâce les « big five », c’est-à-dire les cinq meilleures athlètes américaines de son temps, à savoir Lizzie Glaw, May Stanley, Dottie Farnsworth, Tillie Anderson et Lillie Williams qu’elle met à genoux à plusieurs reprises, empochant au passage de confortables cachets et portant les couleurs de puissants et généreux sponsors comme les cycles Gladiator et les chaînes de vélo Simpson –la société de consommation est en marche-. Les landes de Quintin et l’usine de Puteaux sont désormais bien loin.

French_Racing_Cyclist_Lisette_Marton_on_Gladiator_Bicycle_in_1896_(cropped)CLARA GRACE GB

Et pour rester au firmament de la petite reine, Amélie n’hésite à faire voler en éclats les conventions très bourgeoises de son temps, inventant la haute couture sportive, adaptant sa tenue à la discipline qu’elle maîtrise si bien, se faisant tailler des costumes près du corps, raccourcissant ses étroites jupes culottes et ses cheveux… Si dès 1890, la polémique sur la tenue vestimentaire des femmes cyclistes s’était réellement déchaînée, le débat se concentrait alors sur le droit des femmes à porter le pantalon en vertu de la commodité qu’offrait ce dernier. La question était d’importance puisqu’elle introduisait dans l’univers féminin un changement de physionomie. Dans les années 1900, le débat, toujours vif, semblait tout entier construit autour d’un malentendu : les femmes voulaient « porter la culotte ». Lisette devient ainsi l’un des premiers symboles de l’émancipation féminine, poursuivant sa carrière sportive jusqu’en 1901. Détrônée par de plus jeunes athlètes mais toujours éminemment populaire, Lisette de Quintin se tourna alors vers le métier de cascadeuse, juchée sur son vélo, à l’occasion de carnavals et de fêtes, et cela pendant près de sept ans, sillonnant l’Amérique du nord.

Paris-Brest-Paris_1891,_départ

Quadragénaire, elle descend enfin de vélo, riche d’un joli pécule patiemment et brillamment accumulé avec lequel elle ouvre avec l’infatigable et fidèle Emile un restaurant français à La Nouvelle Orléans, puis en Alabama et enfin à Miami en Floride. C’est là qu’en 1918, à 69 ans, Emile quitte Amélie pour un monde meilleur. La Bretonne relève la tête, sèche ses larmes et poursuit sa route, désormais bien seule, à la tête de son établissement. Ensuite, on perd sa trace dans les années vingt sur cet immense continent, mais il se murmure qu’elle aurait convolé avec un richissime propriétaire terrien d’Amérique du Sud au côté duquel elle aurait fini sa vie dans la plus immense des haciendas. Elle y cuisina, en compagnie des fées sud-américaines, c'est certain, et avec gourmandise sa spécialité pâtissière, créée en 1910, en forme de roue de vélo, le délicieux Paris Brest évidemment.

 

Un Paris-Brest pour six à huit athlètes de la Belle Epoque :

 

Pour la pâte à choux:

125 gr d’eau

125gr de lait

250 gr d’œufs (environ 5)

140 gr de farine

110 gr de beurre

5 gr de sucre

5 gr de sel

Deux cuillères à soupe bombées de noisettes torréfiées et grossièrement concassées

 

PARIS BREST 1910

 

Crème Paris-Brest:

450 gr de praliné maison aux noisettes

500g de crème pâtissière (1/2 litre de lait entier, 50 gr de beurre, 50 gr de fécule, 100 gr de jaunes d’œufs, 125 gr de sucre de canne, vanille Bourbon)

 

Crème au beurre légère comme un oxymore:

500 gr de beurre

100 gr de lait entier

80 gr de jaunes d’œufs

100 gr de sucre

 

Mieux vaut préparer la veille la coque de pâte à chou pour gagner du temps (car, si cette gourmande ne présente aucune difficulté dans sa réalisation, elle est tout de même chronophage).

Préchauffer le four à 200°C et placer le lait, l’eau, le beurre, le sucre et le sel dans une casserole. Amener le tout à ébullition en douceur. Ajouter la farine d’un coup hors du feu et mélanger énergiquement avant de remettre sur feu doux pendant une bonne minute afin d’assécher la pâte, sans cesser de mélanger. La pâte finit par se détacher du fond du fond de la casserole. Verser alors la pâte dans la cuve du robot-pâtissier équiper de la feuille (le K), enclencher la vitesse lente et ajouter les œufs, un par un, sur la pâte. Au fur et à mesure que la pâte absorbe les œufs, rajouter les suivants. La pâte est alors prête à être cuite : la transvaser dans une poche à douille ou, plus simplement, dans un sachet à congélation (dont il suffira, au moment de dresser la pâte, de couper l’un des angles inférieurs).

Deux options s’offrent alors : réaliser une coque de pâte à chou circulaire (ou pas !) pour un dessert familial et sans chichi ou plusieurs petits pour des desserts individuels plus chics.

Préparer alors une ou des plaques à pâtisserie garnies de papier cuisson. On peut tracer des cercles de 7 ou 8 cm au crayon ou au compas pour garantir des formats identiques. Dresser la pâte sur le ou les modèles tracés, parsemer de noisettes concassées et enfourner. Cuire 20 minutes à 200°C en surveillant la cuisson. Laisser ensuite refroidir sur une grille la nuit.

On peut de la même façon, préparer la crème au beurre praliné et la crème pâtissière la veille de la recette et laisser reposer une nuit au frais avant de les assembler.

Préparer la crème pâtissière en mélangeant les jaunes, les graines des gousses de vanille, la fécule et la moitié du sucre. Faire chauffer le lait avec l’autre moitié du sucre, le beurre et les gousses de vanille vidées. Porter à ébullition sur feu doux. Verser le lait chaud sur la préparation aux jaunes d’œufs, bien mélanger puis remettre dans la casserole. Laisser bouillir 3 minutes en mélangeant constamment. Verser la crème pâtissière dans un plat, puis placer un film étirable directement au contact pour éviter la formation d’une peau. Laisser refroidir à température ambiante, puis stocker au frais jusqu’au lendemain.

Préparer la crème au beurre légère. Blanchir en mélanger vivement les jaunes et la moitié du sucre. Verser le lait chauffé avec le reste du sucre sur le mélange jaunes-sucre. Remettre dans la casserole et fouetter sans faire bouillir (comme on le ferait pour une crème anglaise, ne surtout pas dépasser 85°C sans quoi les jaunes d’œufs cuiraient et se désolidariseraient en filaments disgracieux. Si cela arrivait, on peut essayer de rattraper cette petite bêtise à l’aide d’un mixer plongeant…). Verser ensuite la crème anglaise obtenue dans la cuve d’un batteur muni du fouet et laisser refroidir tranquillement en fouettant à vitesse lente pendant une dizaine de minutes. Verser la crème dans un saladier et réserver. Dans la cuve vidée, ajouter le beurre à température, le fouetter pendant une poignée de minutes pour l’aérer puis verser en une fois la crème anglaise refroidie qui est donc à même température que le beurre. Laisser le robot fouetter jusqu’à complète incorporation de la crème et du beurre. Ajouter alors le praliné en pâte maison et fouetter jusqu’à obtenir une crème homogène. Verser alors la crème obtenue dans un plat, filmer au contact et placer au frais jusqu’à l’assemblage et le montage final du Paris-Brest.

Le jour J, placer la crème au beurre pralinée, froide et figée, dans la cuve du batteur munie de la feuille (le K) et fouetter la crème jusqu’à ce qu’elle blanchisse et s’aère.

Placer 500 gr de crème pâtissière bien froide dans un bol et la lisser au fouet avant de l’ajouter dans la cuve du robot avec la crème pralinée. Fouetter à la feuille jusqu’à complète incorporation de la crème pâtissière. La crème est terminée et bien aérée. Verser la crème dans une poche à douille cannelée (ou dans un sac de congélation). Couper la moitié supérieure du ou des cercles de pâte à chou et remplir très généreusement la cavité avec la poche à douille remplie de crème. Il suffit ensuite de placer le chapeau de pâte délicatement sur la crème et de placer le tout au frais pendant deux à trois heures.

Au moment de servir, faire glisser le Paris-Brest sur un plat, saupoudrer de sucre glace avant de de succomber en famille ou entre amis… Seul, ce n’est pas raisonnable… quoi que…

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