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GOUEZOU
6 mars 2018

La mort de Monsieur, faire mourir pour vivre et terrine mod khoz au porc blanc de l'Ouest et aux pommes séchées

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« Me’m boa gwelet pevar forc’hol

O tansal en eur scudel,

Ar re-ze danse magnific,

Met ar plas a ao bihannic

Baon biel, biel, biel ! baon biel a baon ! »

(J’ai vu quatre pourceaux / Danser dans une écuelle / Ceux-dansaient très joliment / Mais la vaisselle était étroite / Bahon biel, biel biel ! bahon biel a bahon !)

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Comme en témoigne cette impertinente comptine de l’Arrée, en matière de viande, les paysans du Gouezou -et ce jusqu'aux années cinquante voire soixante- n’avaient guère au menu que du porc. Les familles élevaient généralement deux à trois porcs par an, des porcs blancs de l’Ouest aux grandes oreilles, dont un seul pour leur propre consommation. Comment diable auraient-ils pu imaginer que s’installerait bientôt non loin ces élevages industriels monstrueux dont la société d’aujourd’hui peine à imaginer un autre modèle ? Chaque famille disposait d’une petite soue dans laquelle on installait, en général vers février/mars, des porcelets qui seraient engraissés tout au long de l’année. Leur nourriture se composait de pommes de terre cuites dans de grands chaudrons noirs à couvercle appelés « poal ». On retrouve le témoignage de ces récipients transformées en jardinières où s’épanouissent désormais au printemps dans tout le hameau narcisses et jonquilles.

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Ces pommes de terre étaient ensuite écrasées à la main et, pour en faire une pâtée, on y ajoutait du lait, des restes de soupe et de pain, et même de l’eau de vaisselle –qu’on appelait eaux grasses et qui ne contenait bien évidement pas de détergent-. Quand arrivait l’hiver et que les animaux avaient atteint le poids requis –soit environ cent cinquante kilos-, le glas sonnait pour eux. De chaque soue, si l’un des porcs restait au Gouezou, les autres étaient vendus, le plus souvent à la charcuterie artisanale tenue par Louis Gad à Lampaul-Guimiliau. Pour autant, le temps était compté pour le cochon que chaque famille se réservait. A tour de rôle, par un jour de préférence assez froid et surtout sec, arrivait un jour le grand assassin et son large couteau, souvent un homme du voisinage ayant développé naturellement quelque compétences pour cette tâche particulière. Le malheureux "Sus scrofa domesticus "était alors expulsé manu militari de son logis pour être traîné jusqu’à une sorte de solide établi de bois sur lequel il était sanglé tandis qu’il braillait sa détresse et son effroi à grand renfort de hurlements stridents qui effrayaient tant les enfants et glaçaient le sang à plus d’un adulte au fond. Bref. Une fois le malheureux passé de vie à trépas, le grand exécuteur des basses œuvres vidait l’occis de ses entrailles et lui tondait les soies–le tout soigneusement récupéré- puis, à l’aide du propriétaire de l’animal et de quelques voisins, l’animal était transporté dans la maison où on le suspendait au plafond par les pattes arrières, sa tête touchant presque le sol.

cochon musée du faout

On peut d’ailleurs encore voir dans certaines maisons du hameau les trous de fixations (en général au nombre de six) dans le plafond faisant office de plancher de l’étage. Le supplicié restait ainsi suspendu un jour et une nuit devant les yeux effrayés des plus jeunes. Les anciens se souviennent de leurs terreurs nocturnes du fond des lits-clos à l’idée de partager le toit et la nuit avec la carcasse de celui qui avait été, au fond, un camarade l’année durant. « Le cochon est l’animal le plus proche de l’homme. Il le nourrit mais il lui en laisse tout le remords. On peut avoir la conscience tranquille après avoir occis un agneau ou un veau, mais jamais un cochon. Chaque soir, quand apparaît sur la soupe épaisse la couenne du lard, c’est comme si le cochon de l’année venait vous parler de sa gentillesse. » (Pierre Magnan) Puis, le tueur réapparaissait vingt-quatre heures plus tard avec la casquette de boucher car il fallait détailler Monsieur et le transformer sans trop tarder. Les morceaux comportant des os étaient suspendus dans la cheminée pour être lentement fumés. Les autres prenaient place dans un ou plusieurs saloirs en grès mordoré d’une grande contenance –plus de cent litres le plus souvent- où ils étaient conservés dans du gros sel.

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On retrouve encore ces saloirs comme objets de décoration dans les maisons du hameau. Si l’égorgeur était le pivot –avec le cochon bien entendu- de ce moment d’importance dans le calendrier paysan, tout le monde y jouait un rôle et plus particulièrement bien entendu les femmes auxquelles il revenait de tirer le meilleur parti de la bête. Un hachoir à manivelle –également appelé hachoir américain- circulait dans le hameau qui permettait de réaliser les charcuteries permettant de transformer les abats et tous les bas morceaux (foie, gorge, etc.) en succulentes terrines. Les maisons du hameau étant majoritairement dépourvues de four –on cuisinait directement dans l’âtre), il fallait porter les terrines à la boulangerie Guéguen de Croaz Cabellec. Le boulanger les enfournait en fin de journée, profitant de la forte inertie du four à pain pour cuire et dorer ces délices. Une autre solution aurait consisté à faire preuve de débrouillardise avec les moyens du bord à la maison et à placer les terrines dans une grande cocotte posée sur le trépied avec du feu en dessous et des braises ardentes posées sur le couvercle retourné. C'est d'ailleurs ainsi qu'on cuisait le far forn.

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Une fois les terrines cuites chez le boulanger, on les ramenait à la maison et la tradition voulait qu’on en offrît une belle tranche aux voisins qui en faisaient autant d'ailleurs lorsqu’à leur tour, ils tuaient le cochon. Outre le pâté, étaient réalisées de succulentes saucisses fraîches qu’il fallait donc consommer rapidement mais aussi des andouilles qui fumaient lentement dans la cheminée. Poussant la brouette, les femmes descendaient à la rivière, le Stain, pour laver soigneusement les boyaux nécessaires à la confection de ces gourmandises. Pour vivre, il fallait donc faire mourir et c’est une loi que la nature avait gravé dans le granit de ces vies paysannes. La mort du cochon était le seul moment de l’année où l’on s’attablait autour de plats de viande fraîche sous forme de rôtis, des menus d’exception appréciés à leurs justes valeur et saveur. « Dehors, les yeux des animaux allaient du cochon à l'homme et de l'homme au cochon, et de nouveau du cochon à l'homme mais déjà il était impossible de distinguer l'un de l'autre. » (La Ferme des animaux, George Orwell, 1945)

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Pour une grande terrine de pâté mod khoz (ou mieux plusieurs petites)

On utilisera ici exclusivement du porc blanc de l’Ouest bio élevé en plein air à Saint-Cadou.

250 gr de poitrine fraîche découennée

250 gr de lard assez gras frais (ou demi-sel à dessaler)

250 gr d’échine désossée

250 gr de foie de porc

Un gros bouquet de persil plat

1 oignon rosé de Roscoff

2 belles échalotes

3 gousses d’ail rose de Lautrec

1 piment de Commana (facultatif bien sûr)

2 gr de poivre

7 gr de sel (ou plus si le lard est frais : env. 19 gr)

Une poignée de pommes Germaine de Brasparts séchées maison

Une cuillère à café de cannelle sauvage de Mayotte finement pilée au mortier

Un bouquet de thym, de sauge, de romarin du jardin

Une dizaine de fines tranches de poitrine fumée maison

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Couper en petits dés les pommes séchées. Effeuiller le thym et émincer la sauge et le romarin.

Passer les viandes (sauf les tranches fines de poitrine), le persil (feuilles et tiges), l’ail, l’oignon, l’échalote, le piment, au hachoir électrique ou manuel. Assaisonner. Mélanger intimement et vigoureusement.

Préchauffer le four sur 160°, chaleur tournante.

Tapisser les petites terrines de tranches de poitrine fumée en les laissant dépasser sur les bords.

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Garnir d’une première couche de chair à pâté puis parsemer de mélange de dés de pomme. Parsemer de feuilles de thym, de sauge et de romarin. Compléter à hauteur de chair à pâté et refermer avec les tranches de poitrine. Tasser le tout soigneusement pour évacuer l’air au maximum.

Placez dans  les terrines ouvertes dans un grand plat rempli d’eau bouillante et enfourner pour 1h30.

Au sortir du four, placer sur chaque terrine son couvercle et déposer un poids sur le tout. Le pâté va ainsi refroidir dans le fond du plat et se recouvrir de graisse parfumée dont il va se nourrir en refroidissant.

On peut également réaliser ces terrines dans des petits bocaux type Le Parfait ou Weck. La cuisson s’effectue alors pendant la stérilisation (au moins 1h30 au cuit-vapeur).

Servir avec des pickles de cerises ou de tomates vertes, des cornichons à l’aigre-douce, et un joli pain de seigle de Saint-Cadou (Ty Forn Nevez).

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