L'impudence du renard, la ruse de l'escargot et des petits flans à la butternut et au fromage de chèvre...
Un beau jour, traversant les landes du Yeun Elez à la recherche de quelque imprudent égaré, Vulpes Vulpes, Messire Renart, croisa le chemin de Elona quimperiana, l’Escargot de Quimper.
- Ôte-toi de mon chemin, gluant gastéropode, lui dit-il, car il était aussi discourtois qu’arrogant. Je fais plus de route en un quart d’heure que toi en une année.
- Peut-être, exaspérant goupil, rétorqua l’Escargot gardant son sang-froid sous l’affront; mais ne parle pas trop vite non plus ; retrouvons nous demain à l’aube, ici, à la tête de ce sillon. Relève mon défi et nous verrons qui de nous deux arrivera au bout de cette ligne le plus rapidement.
- Cochon qui s’en dédit ! acquiesça l’effronté rouquin. A demain donc !
L’Escargot s’en vint quérir un compère colimaçon de ses amis et lui dit :
- Demain matin, au crépuscule, aurais-tu l’extrême obligeance de te placer au bout du sillon alors que je serai avec Renart au tout début ; quand tu verras le goupil, courant comme un dératé, sur le point de te rejoindre, tu lui crieras : «Prem’s, Renart ! et nous le ferons tourner en bourrique !
A l’aube donc, voici l’impudent goupil qui s’aligne au côté de l’Escargot sur la ligne de départ du sillon. Les protagonistes s’élancèrent avec plus ou moins de célérité ; et Renart de filer, véloce, volant presque au-dessus du sillon. L’autre gastéropode qui était à l’autre extrémité, lui cria quand il fût près d’arriver :
- Prem’s, Renart !
- Recommençons, éructa le goupil, ivre de rage, incrédule et, pour tout dire, assez mauvais perdant.
Il se remit à courir, tendu comme un arc, volant comme une flèche au-dessus du sillon. A l’autre bout, l’Escargot claironna :
- Prem’s, Renart !
Le prédateur impertinent fut presque frappé d’apoplexie devant cette diablerie. S’étranglant de rage, écumant de colère, sa superbe en berne, il quitta le Yeun Elez et s’installa au Gouezou où il coule désormais des jours heureux à dévaster le poulailler et en décimer les poulettes moelleuses. Quant aux limaçons –les plus malins du monde, c’est entendu-, ils sont désormais protégés et font l’objet de toutes les attentions des écologistes. S’attabler donc autour de ces petits flans à la butternut et au fromage de chèvre qu’accompagne, c’est de circonstance, une petite salade bien fraîche !
Pour 4 (gloutons) à 8 (appétits de moineau) entrées :
Une courge butternut d'1,5 kg environ
Une tête d'ail
2 belles échalotes grises
Un gros oignon rosé de Roscoff
4 œufs
500 ml de crème liquide entière
Une pomme ferme et acidulée : la Germaine de Brasparts convient parfaitement.
Une cuillère à soupe de vinaigre de cidre
Quelques branches de thym frais
4 feuilles de laurier
SeL de Guérande
Poivre noir de Madagascar
Une cuillère à soupe de graines de courge torréfiées
Miel de blé noir ou châtaignier
La veille, peler, épépiner et détailler en cubes la courge. Répartir sur des feuilles de laurier fraîches les morceaux dans un plat en tôle, arroser d’un filet d’huile d’olive, saler, poivrer, parsemer de feuilles de thym frais et jeter quelques gousses d’ail pelées et écrasées (5 à 6). Enfourner pour environ trois-quarts d’heure à four moyen (150°, chaleur tournante).
Lorsque la courge est cuite, rôtie et souple, la sortir du four et laisser perdre la grosse chaleur.
Ôter les feuilles de laurier et mixer brièvement le reste avec la crème et les œufs. Verser l’appareil dans un moule à cake en silicone –ou dans des moules individuels- et enfourner pour une heure à 90°. On obtient un joli flan orangé. Filmer et réfrigérer une nuit.
Détailler en petits dés la pomme, les échalotes et l’oignon, piler au mortier le gingembre et une gousse d’ail. Passer le tout rapidement à la poêle dans un filet d’huile d’olive –quelques minutes-. On cherche à conserver le croquant. Saler, poivrer, ajouter une cuillère à soupe de vinaigre de cidre. Mélanger cette petite sauce croquante et acidulée et réserver au frais.
Au moment de servir, dresser les assiettes : déposer une tranche du flan à la butternut démoulé, parsemer de graines de courge et déposer une belle cuillère à soupe de la petite sauce. Pour une entrée plus complète, on peut également déposer des billes ou des quenelles de chèvre frais et arroser d’un petit filet de miel… Quelques petites feuilles de pousses d’épinard ou, mieux encore, de baselle et de roquette, ne dépareront pas.